A l’inverse de la loi Toubon sur la protection de la langue française qui avait prévu la situation des marques enregistrées, rien n’est dit au décret du 29 juin 2022 sur un éventuel assouplissement aux marques enregistrées de son principe d’interdiction de certaines dénominations aux denrées comportant des protéines végétales.
Rappelons que ce décret est pris en application de la loi du 10 juin 2020 relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, là-bas, dont l’article 5 est intégré à l’article L412 – 10 du Code de la consommation, l’article L412-10.
Le 27 juillet 2022, saisi en référé, le Conseil d’État suspend partiellement l’application du décret. Dans l’attente de la lecture de cette décision, on pourra se reporter à l’article d’octobre 2021 : « Protéines végétales : le projet de décret d’application sur l’interdiction d’emploi des termes associés à la viande annonce-t-il la disparition de …cette interdiction ?«
Un principe d’interdiction
Par ce décret, le principe d’interdiction prévu par la loi s’applique à la désignation d’un produit transformé contenant des protéines végétales.
Point de long discours sur les aliments qui sont constitués de protéines végétales. Ni la loi ni le décret n’ont entendu limiter leur impact aux seules matières protéiques végétales (MPV) dont la définition communément admise renvoie à un pourcentage d’au moins supérieur à 40 % sur l’extrait sec, absence qui se comprend à la lecture de l’annexe du décret (nos premiers commentaires sur ce décret : « Protéines végétales et termes désignant la viande : une discrimination à rebours»).
Quant à la « transformation », le décret l’a définie de manière très large « toute action entraînant une modification importante du produit initial, y compris par chauffage, fumaison, salaison, maturation, dessiccation, marinage, extraction, extrusion, ou une combinaison de ces procédés ». Échapperaient à cette interdiction, les produits naturels, les fruits et les légumes ( par exemple la tomate cœur de bœuf si elle ne trouvait son salut dans une dénomination variétale).
Pour ces produits transformés contenant des protéines végétales, quelles désignations se voient interdites ?
Au lieu d’une liste finie de termes comme en 1993 pour les préparations à base de foie gras, le décret étend très largement cette interdiction d’usage par l’appartenance du terme à l’une ou l’autre de quatre catégories de dénominations.
1° Une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n’est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ;
2° Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ;
3° Une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ;
4° Une dénomination d’une denrée alimentaire d’origine animale représentative des usages commerciaux.
Si la première catégorie ne pose pas un problème spécifique, à l’inverse les trois suivantes exposent les marques qui désignent des produits transformés contenant des protéines végétales.
Qu’en est-il de l’interdiction d’ « Une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ». Aucune référence n’est faite ici à la différence des 3° et 4 ° catégories à l’emploi d’une telle dénomination pour désigner effectivement et habituellement un produit carné dans l’alimentation humaine en France.
Or, de nombreuses marques ou de signes utilisés dans la vie des affaires, – noms commerciaux ou enseignes -, sont composés d’une telle dénomination.
Les marque composées de dénominations dont des circonstances d’emploi sont interdites par le décret
Parmi ces marques ou ces signes, ceux qui ne sont pas exploités pour des produits alimentaires transformés contenant des protéines végétales ne devraient pas être concernés par cette interdiction. Néanmoins pour ceux-ci, resterait en suspens la question de leur dépôt dans le cas où celui-ci viserait de tels produits soit expressément soit sous l’intitulé « préparations faites de céréales » de la classe 30. Fort heureusement, ne semble pas entrer dans la prévision du décret un tel dépôt, ce qui devrait permettre à leur titulaire de conserver le dépôt à l’INPI comme base à leur extension internationale.
Pour les marques composées d’une telle dénomination, l’interdiction d’emploi pour les produits alimentaires transformés contenant des protéines végétales s’appliquera à compter du 1er octobre 2022, – pour les produits fabriqués et étiquetés à cette date à compter du 31 décembre 2023 – , que la marque ait été déposée ou non avant le 1er octobre. Et cette interdiction d’emploi apportera dans cinq ans un risque de perte de ces droits de marque en déchéance pour défaut d’exploitation.
Pour les titulaires de marques, l’article 4 réserve une redoutable surprise
En effet, des dénominations – probablement celles des 3° et 4° catégories, mais rien ne l’exclut au décret pour les deux autres catégories – , quand elles seront utilisées pour des denrées d’origine animale, pourront l’être en même temps pour d’autres denrées notamment des protéines végétales sous réserve que la désignation globale soit descriptive de cet assemblages de produits comme l’exige l’article 4 du décret.
Deux conséquences à cet article 4.
- Des dénominations de fantaisie pour de tels assemblages tomberont aussi sous le régime de l’interdiction dont la sanction suit le régime de l’amende administrative.
- Une marque désignant licitement un tel assemblage parce que nécessairement descriptive, ne pourra pas bénéficier d’un enregistrement à l’INPI ou à l’EUIPO.
Pour les titulaires de marques du secteur de l’alimentation, le retour en septembre sera bien occupé.