La Cour de justice par son arrêt du 17 octobre 2019 indique que la protection d’une AOP peut exiger que sa production soit réalisée dans des locaux d’où sont exclus tous autres produits laitiers. L’ arrêt est là
La mozzarella di bufala Campana est l’appellation d’origine d’une mozzarrella particulière de Campanie.
Elle bénéficie d’une AOP en application des dispositions européennes. En particulier le règlement (CE) no 1107/96 de la Commission, du 12 juin 1996, relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine, et le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires.
Un décret italien prévoit des dispositions très strictes pour la production de cette AOP afin d’éviter tout contact avec des laits ne provenant pas de la zone de production de l’AOP : « … La production de la “Mozzarella di bufala Campana AOP”, enregistrée comme appellation d’origine protégée (AOP) …….. doit avoir lieu dans un espace dans lequel n’est transformé que du lait provenant d’élevages relevant du système de contrôle de l’AOP “Mozzarella di bufala Campana”. Dans cet espace peuvent également être élaborés des produits semi-finis et d’autres produits à la condition qu’ils soient fabriqués exclusivement avec du lait provenant d’élevages relevant du système de contrôle de l’AOP “Mozzarella di bufala Campana”. L’élaboration de produits impliquant également ou exclusivement l’utilisation d’un lait différent de celui provenant des élevages relevant du système de contrôle de l’AOP “Mozzarella di bufala Campana” doit avoir lieu dans un espace différent,… »
Une entreprise qui produit de la mozzarella de bufflone selon cette AOP et de la mozzarella de bufflone qui n’est pas soumis à cette AOP conteste ce décret italien. Sur une question préjudicielle du Conseil d’Etat italien, l’affaire vient devant la Cour de justice.
L’arrêt du 17 octobre 2019, rappelle les impératifs du régime de l’AOP : la mise en valeur de la qualité des produits d’origine agricole et satisfaire les attentes des consommateurs en produits de qualité.
35 Ensuite, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, la législation de l’Union manifeste une tendance générale à la mise en valeur de la qualité des produits dans le cadre de la politique agricole commune, afin de favoriser la réputation desdits produits, grâce, notamment, à l’emploi d’appellations d’origine qui font l’objet d’une protection particulière. Elle vise également à satisfaire l’attente des consommateurs en matière de produits de qualité et d’une origine géographique certaine ainsi qu’à faciliter l’obtention par les producteurs, dans des conditions de concurrence égale, de meilleurs revenus en contrepartie d’un effort qualitatif réel……
36 Enfin, les appellations d’origine relèvent des droits de propriété industrielle et commerciale. La réglementation applicable protège leurs bénéficiaires contre une utilisation abusive desdites appellations par des tiers désirant tirer profit de la réputation qu’elles ont acquise. Elles visent à garantir que le produit qui en est revêtu provient d’une zone géographique déterminée et présente certains caractères particuliers. Elles sont susceptibles de jouir d’une grande réputation auprès des consommateurs et de constituer pour les producteurs remplissant les conditions pour les utiliser un moyen essentiel de s’attacher une clientèle. La réputation des appellations d’origine est fonction de l’image dont celles-ci jouissent auprès des consommateurs. Cette image dépend elle-même, essentiellement, des caractéristiques particulières, et plus généralement de la qualité du produit. C’est cette dernière qui fonde, en définitive, la réputation du produit. Dans la perception du consommateur, le lien entre la réputation des producteurs et la qualité des produits dépend, en outre, de sa conviction que les produits vendus sous l’appellation d’origine sont authentiques…..
37 Dans ce contexte, le cahier des charges du produit « Mozzarella di bufala Campana AOP » impose, à son point 4.4., des prescriptions précises quant à la preuve de l’origine de ce produit et, notamment, que la matière première soit soigneusement contrôlée par l’organisme compétent à toutes les étapes de la production. En cas d’irrégularités et même si ces irrégularités ne concernent qu’un seul maillon de la filière de production, le produit ne pourra, selon lesdites prescriptions, être commercialisé sous l’AOP « Mozzarella di bufala Campana ».
A propos de cette réglementation italienne : « 40 , en exigeant que l’activité de production de la « Mozzarella di bufala Campana AOP » se fasse dans des espaces exclusivement destinées à celle-ci, et dans lesquels sont interdits la détention et le stockage de laits provenant d’élevages qui ne relèvent pas du système de contrôle de cette AOP, vise à assurer que la qualité de ce produit corresponde aux exigences de son élaboration, énoncées dans son cahier des charges, en réduisant le risque que ces laits ne soient utilisés, que ce soit de manière intentionnelle ou non intentionnelle, dans la production de cette AOP. Cette réglementation nationale participerait ainsi du contrôle effectif des étapes de production de ce produit et, partant, de l’objectif de protection des consommateurs et de lutte contre les contrefaçons.
….42 À cet égard, la Cour a jugé qu’une mesure nationale selon laquelle les installations des entreprises qui ne produisent pas les produits donnant le droit à une AOP doivent être nettement séparées de celles où sont produits et stockés les produits portant une AOP est justifiée par l’objectif de préservation de la grande réputation d’un produit AOP … »
Ce qui dit la Cour de justice
L’article 4, sous c), et l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, ainsi que le cahier des charges du produit « Mozzarella di bufala Campana AOP », doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que l’activité de production de la « Mozzarella di bufala Campana AOP » doit avoir lieu dans des espaces exclusivement destinés à cette production, y compris au sein d’un seul établissement, et dans lesquels sont interdits la détention et le stockage de laits provenant d’élevages qui ne relèvent pas du système de contrôle de l’appellation d’origine protégée (AOP) « Mozzarella di bufala Campana », si cette réglementation constitue un moyen nécessaire et proportionné pour sauvegarder la qualité d’un tel produit ou assurer le contrôle du cahier des charges de cette AOP, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.