Le décret du 29 juin 2021 est venu préciser le régime de responsabilité pénale applicable en cas de circulation d’un véhicule à délégation de conduite et à ses conditions d’utilisation
Un véhicule autonome a-t-il recours à une IA ?
(Sur le sens à donner à véhicule autonome)
Notons tout d’abord que ce décret ne précise pas s’il est question ou non de la mise en œuvre d’une intelligence artificielle, mais un véhicule autonome pourrait-il en faire l’économie ? Ce texte est pris en application de l’ordonnance du 14 avril 2021, il a pour principal objectif d’adapter la responsabilité pénale prévue au code de la route aux véhicules à délégation de conduite. C’est donc un corpus réglementaire dont la raison d’être repose sur la mise en œuvre d’IA, sans avoir besoin de le dire !
Une hypothétique exonération de responsabilité pénale du conducteur.
Ces textes exonèrent de responsabilité pénale le conducteur lorsque le système contrôle la dynamique du véhicule.
Toutefois, cette exonération de responsabilité cesse dès l’instant où l’intervention du conducteur est réclamée par le système automatisé (L123-1 et R412-17), et que pèse sur le conducteur une obligation permanente de vigilance, « le conducteur doit se tenir constamment en état et en position de répondre à une demande de reprise en main du système de conduite automatisé » ( L123-1) qui lui est opposable après la période de transition, c’est-à-dire le délai maximal « dont le conducteur est informé entre une demande de reprise en main et une manœuvre à risque minimal ». Retenons également qu’il est prévu qu’après la période de transition, le système peut « engager et exécuter une manœuvre à risque minimal » (L319-3).
Si la réactivité attendue sur cette période de transition pourrait laisser douter de l’effectivité de l’exonération de responsabilité pénale, le décret prévoit trois types de véhicules dont deux qui dans leur domaine de conception fonctionnelle n’exercent pas de demande de reprise en main ( « véhicule hautement automatisé » et « véhicule totalement automatisé »).
L’information du consommateur.
A rappeler l’obligation de communiquer au consommateur une information relative « aux conditions de conduite du système de conduite automatisé » prévue par la loi (L224-68-1) dont la consistance sera à apprécier lors des débats sur la recherche de responsabilité. Au décret, l’IA n’étant pas citée, on ne s’étonnera pas de toute mention de l’information de son existence au conducteur.
Des obligations préalables à la mise en service d’un véhicule à délégation de conduite.
N’entre pas dans l’objet de cet article, l’énumération des différentes conditions relatives à la mise en service d’un transport routier automatisé. Par contre dans l’intérêt porté à l’IA, y figurent des obligations relatives à :
- la robustesse et l’exactitude
- la transparence,
- la documentation
- la traçabilité,
- l’information
- le plan d’intervention et de sécurité
- la démonstration de la sécurité éventuellement par des tests
- la vérification par un organisme qualifié et agréé (R3152-25) de la déclaration de fonctionnalité et de sécurité
- l’autorisation de mise en service
- après la mise en service : référentiel de sécurité, audit annuel externe par un organisme qualifié qui donne un avis sur la poursuite de l’exploitation avec transmission à l’autorité qui a autorisé la mise en service ;
(Le lecteur particulièrement averti pourrait vérifier si les exigences posées par le projet de règlement sur l’intelligence artificielle d’avril 2021 seraient remplies).
Responsabilités pénales conditionnées à des enregistrements de données.
Différentes obligations d’enregistrement des données notamment d’évènements, et des états de délégation de conduite sont prévues.
Comme une IA n’a pas de personnalité juridique, elle échappe à toute responsabilité pénale. Par contre à ce décret, différents acteurs qui participent à la mise en circulation d’un véhicule à délégation de conduite voient leur responsabilité pénale exposée.
- Le concepteur du système technique : il assure la conception d’ensemble du système technique et définit notamment ses fonctionnalités et leurs conditions d’utilisation.
- L’exploitant du service : il assure l’exploitation du système de transport automatisé ainsi que la gestion et la maintenance de celui-ci. Le texte prévoit qu’il peut être différent de l’organisateur du service entendu ici comme en charge des transports collectifs par exemple.
- La personne habilitée : elle intervient à distance dans le cadre du système de transport automatisé. Elle est à l’extérieur du véhicule. Cette personne doit être titulaire du permis de conduire ledit véhicule (L3151-3), doit justifier d’une formation adaptée (R3152-3) et reste soumise aux dispositions à la conduite sous l’empire d’un état alcoolique ( R3153-1)
Dans le cadre de la circulation à délégation de conduite, l’organisateur du service, l’exploitant et la personne habilitée sont responsables pénalement des infractions au code de la route (L3151-4 et L123-2 et L3151-6)
Parallèlement aux sanctions pénales du Code de la route citées ci-dessus, sont à la charge du concepteur du système technique, de l’exploitant et dans une moindre à l’organisateur du service, différentes obligations d’informations après la mise en service du système de transport automatisé : en cas de défaut de conception identifié, de nécessité d’une modification substantielle du système, de modification des caractéristiques des sites où circulent les véhicules. Également, ils ont l’obligation d’informer le préfet, l’autorité de contrôle et l’organisme qualifié en cas de manquement grave à la réglementation, d’un risque grave à la sécurité des personnes, ainsi que de tout accident corporel ou ayant entraîné des dommages importants. Une IA étant par nature objet de modifications, les concepteurs d’IA et leurs exploitants détermineront ce qui en constitue une modification substantielle.
La mise en œuvre du décret est reportée à la publication de modifications conventionnelles (voir l’article 9 du décret).