Photo © Jaroslav Machacek
Le 12 mai 2010, la Grande Chambre de Recours de l’Office Européen des Brevets a répondu à la demande d’avis que Madame Alison Brimelow, alors présidente de cet office, lui avait adressé sur la brevetabilité des programmes d’ordinateur au regard de l’exclusion posée à l’article 52 de la Convention de Munich.
Se limiter au résultat, le rejet de la demande au regard des dispositions de l’article 112 de la Convention, n’aurait que peu d’intérêt. A l’inverse, sa lecture complète est bien plus riche d’enseignements.
(Article publié au Journal du Net le 10 juin 2010)
Tout d’abord, si la demande d’avis a été rejetée, c’est essentiellement pour une question de procédure. L’article 112 prévoit en effet « afin d’assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d’importance fondamentale se pose :
…
b) Le président de l’Office Européen des Brevets peut soumettre une question de droit à la Grande Chambre de Recours lorsque deux chambres de recours ont rendu des décisions divergentes sur cette question ».
La Grande Chambre de Recours n’a pas rejeté cette demande d’avis au motif que les décisions sur lesquelles elle était interrogée, émanent de la même chambre tout en étant constituée différemment, sa principale motivation s’appuierait sur l’absence de divergence entre les décisions rendues jusqu’ici, le texte du 12 mai se livrant d’ailleurs à leur rappel et présentant leur variabilité sur l’application de l’article 52 comme l’expression d’une évolution et non comme des divergences d’interprétation. Le lecteur y retrouvera d’ailleurs des développements sur les notions « de contribution à la technique » ou « d’effets techniques ».
Il semblerait également, selon la Grande Chambre de Recours, que ce débat sur la brevetabilité des programmes d’ordinateur devrait être apprécié davantage dans sa finalité pratique : le plus souvent les demandes de brevet où cette question est posée, ne passeraient pas le contrôle de l’activité inventive de l’article 56.
Sans doute et c’est le point le plus remarquable dans cette réponse à une demande d’avis, la revendication d’indépendance de la Grande Chambre de Recours .
Très clairement, la Grande Chambre de Recours entend limiter les pouvoirs du Président aux seules tâches de gestion administrative et de management. Elle lui refuse tout pouvoir pour appliquer les dispositions de la Convention, le Président de l’Office étant effectivement absent de l’énumération de l’article 15 sur les instances chargées des procédures pour l’application de la Convention.
Il y a là comme une déclaration d’indépendance, le principe de séparation des pouvoirs est d’ailleurs cité, la Grande Chambre de Recours a voulu apparaître comme une autorité juridictionnelle à part entière.
L’hostilité de la Grande Chambre de Recours à cette demande d’avis est non seulement fondée sur l’évolution des techniques en cause, mais également sur le poids que les juridictions nationales auxquelles il appartient finalement de statuer sur ces notions, pourraient lui accorder. L’impact d’un tel avis aurait d’ailleurs été très différemment apprécié selon les cultures juridiques, le droit anglo-saxon accordant au « précédent » une conséquence sans commune mesure à celle que peut lui accorder le juge continental.
Enfin, la Grande Chambre de Recours semble craindre également que par cette demande d’avis, il lui ait été demandé de reprendre ce que ni le Parlement ni le Conseil n’avaient réussi : harmoniser cette question par le biais d’une directive dont le projet avait été finalement rejeté, il faut le rappeler durant l’été 2005 .
La Grande Chambre de Recours le dit clairement : elle n’entend pas se substituer au législateur communautaire.
Philippe Schmitt ( juin 2010)