Des droits de propriété industrielle peuvent être opposés.Illustration avec l’arrêt du Tribunal de l’Union du 7 juillet 2021 où la nullité d’un modèle communautaire est demandée sur la base de marques antérieures.
Successivement la division d’annulation et la Chambre de recours de l’Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle ont rejeté la demande de nullité du modèle.
Le modèle contesté :
Les signes des marques antérieures
( Pour informations, marque enregistrée pour classe 3 : « Parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux » ; classe 9 : « Lunettes, lunettes de soleil, montures de lunettes, étuis à lunettes » ; classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ; classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; sacs à mains » ; classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; tours de cou, foulards ; harnais (ceintures) » )
( Pour informations, marque enregistre pour classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué, non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; articles d’horlogerie et instruments chronométriques ; jais brut ou mi-ouvré ; boîtes de montre » ; classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, et produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies et parasols » ; classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie »)
Le Tribunal va rejeter ce recours par sa décision du 7 juillet 2021 où s’entrechoquent les notions propres à chacun de ces droits de propriété industrielle, l’arrêt
Les 3 fictions du droit de la propriété industrielle : l’utilisateur averti, le consommateur moyen, l’homme du métier
26 La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle du consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme du métier, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non pas d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré…..
Quand la nullité d’un modèle est demandée sur la base du règlement sur les modèles, comment apprécier la marque antérieure, comme une marque ou comme un modèle ?
16 Par ailleurs, l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002 définit un dessin ou modèle comme « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit qui lui confère, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ». Les droits antérieurs sont des marques figuratives dont les caractéristiques résultent de leurs lignes et contours. De ce fait, ils doivent être appréhendés comme s’il s’agissait de dessins ou modèles au sens de l’article 3, sous a), règlement no 6/2002 ……..
Le modèle contestée étant une lampe en forme d’ours, la liberté du créateur doit -elle être appréciée au regard de cette forme graphique ou de la lampe ?
19 Il y a lieu de relever que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné …..
20 Plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en conflit suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti.
21 Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti ………………
22 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le degré de liberté du créateur était moyen s’agissant des appareils d’éclairage. Elle a toutefois précisé que cette liberté n’était, en principe, soumise à aucune limitation s’agissant des formes graphiques.
23 Il convient de relever que la chambre de recours a apprécié le degré de liberté du créateur conformément à la jurisprudence citée …… . En outre, le Tribunal a déjà jugé que le degré de liberté du créateur était élevé lorsqu’il s’agissait des parties individuelles d’une lampe, mais que celui-ci était généralement limité pour les lampes, puisqu’une lampe devait contenir une base et un dispositif d’éclairage.
24 Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que si le degré de liberté du créateur était, en substance, élevé s’agissant des formes graphiques, ledit degré n’était, en revanche, que moyen s’agissant des appareils d’éclairage.
Sur l’impression globale (une notion des dessins ou modèles)
30 En l’espèce, le dessin ou modèle contesté représente un objet tridimensionnel, à savoir un appareil d’éclairage, constitué d’un large encadrement jaune en forme d’un ours en peluche, fixé sur un socle et dans lequel sont fixés un miroir et de nombreuses petites lampes dont la lumière est reflétée par le miroir. Les droits antérieurs sont constitués de formes graphiques, à savoir des représentations stylisées d’un ours en peluche avec un visage suggéré par trois points (la marque no 1755636) ou sans lesdits points (la marque no 8127128).
31 Comme l’a fait valoir à juste titre la chambre de recours, bien qu’il existe une certaine concordance au niveau du contour du petit ours stylisé, il existe de nombreuses différences entre le dessin ou modèle contesté et les droits antérieurs.
32 À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne le dessin ou modèle contesté, l’effet de lumière provoqué par la combinaison entre le miroir et les petites lampes ne passe pas inaperçu et que cette caractéristique n’est pas présente dans les marques antérieures. En outre, le contour du dessin ou modèle contesté diffère de celui des marques antérieures. Alors que la forme du cadre du dessin ou modèle contesté représente un ours en peluche debout avec des jambes minces et des oreilles un peu plus grandes pointant vers le haut, l’ours en peluche représenté par les marques antérieures est assis avec des jambes plus épaisses et des oreilles basses qui se détachent du côté de la tête. De plus, le contour du dessin ou modèle contesté est moins disproportionné que ceux des marques antérieures dans lesquelles l’ours semble plus imposant dans sa partie inférieure.
33 Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu conclure, dans la décision attaquée, que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté était différente de celles produites par les marques antérieures.
Un débat qui n’a pas eu lieu : la renommée des marques antérieurs
Le retour de la protection par le droit des marques. en effet, le point e) du paragraphe 1 de l’article 25 du règlement sur les modèles :
s’il est fait usage d’un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit communautaire ou la législation concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation
Or le demandeur à la nullité invoquait la renommée de ses marques, mais celle-ci n’a pas été prise en compte :
50 Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a pu conclure que les pièces produites n’étaient pas suffisantes pour prouver une renommée des marques antérieures pour les produits désignés dans une partie substantielle de l’Union.