Les recours contre les décisions du Directeur de l’INPI en matière de délivrance, de rejet ou de maintien des titres sont soumis aux cours d’appel de l’ordre judicaire et non aux cours d’appel administratives. Le dispositif actuel est donc dérogatoire au droit commun, il connait des règles particulières. En attendant les profondes modifications du rôle de l’INPI qui devraient intervenir prochainement en matière de marque, les dispositions actuelles applicable à l’INPI sont-elles compatibles avec les règles du procès civil. Illustration avec l’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2018 qui confronte l’article R411-23 aux dispositions de l’article 16 du Code de procédure civile.
Tout d’abord, un rappel de ces deux articles.
Article R411-23 du Code de la propriété intellectuelle : La cour d’appel statue après que le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle a été mis en mesure de présenter des observations écrites ou orales.
Les observations écrites sont adressées par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle en double exemplaire au greffe de la cour, qui en transmet une copie au requérant.
Article 16 du Code de procédure civile : Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
L’arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2018
Vu les articles 16 du code de procédure civile et R. 411-23, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que …… (l’université), titulaire du brevet européen n° ……. , délivré le 18 novembre 2009, désignant la France et intitulé « Utilisation de la toxine botulique pour le traitement du dysfonctionnement récalcitrant de l’évacuation de la vessie », a déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) n° ……. pour le produit « toxine botulique de type A » ; que ce dépôt du 19 septembre 2012 étant tardif, dès lors que l’autorisation de mise sur le marché de la nouvelle application thérapeutique de la toxine botulinique avait été délivrée le 22 août 2011, l’université a demandé à être restaurée dans les droits qui y étaient attachés en se prévalant d’une excuse légitime ; que l’université et la société …… , à laquelle le brevet avait été cédé entre-temps (les requérants), ont formé un recours contre la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI) rejetant cette demande ;
Attendu que l’arrêt rejette ce recours au visa des observations du directeur général de l’INPI déposées au greffe le 21 mars 2016 ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte des productions que le greffe de la cour d’appel n’avait pas notifié ces observations aux requérants et qu’il n’est pas justifié que l’INPI avait spontanément procédé à cette diligence, lors même qu’il n’y était pas légalement tenu, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que ces observations avaient été réitérées oralement à l’audience dans des conditions permettant d’en débattre de manière contradictoire, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 septembre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;