La base de données regroupe des données et elle les structure.
Deux régimes de protection en découlent.
- Si la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données attestent d’un investissement financier, matériel humain substantiel, celui qui a pris l’initiative et le risque de cet investissement bénéficie du régime du producteur de la base de données. Le droit sui generis des bases de données.
- Si la structure est originale, celle-ci bénéficie de la protection du droit d’auteur.
Cette dualité se retrouve dans la durée de protection :
- 70 ans par le droit d’auteur,
- et 15 ans par le droit du producteur de la base de données à compter du 1er janvier de l’année qui suit l’achèvement de la base de données. En cas de nouvel investissement substantiel, la même période de 15 ans s’applique à nouveau.
Les lignes ci-dessous s’intéressent essentiellement à ce droit sui generis sur les bases de données.Attention, toutefois, à la directive la présence de la base de données protégée par le droit d’auteur la soumet au contrôle de la Cour de justice comme le montre l’arrêt du 1er mars 2012, l’originalité étant contrôlée sur la structure de la base et non sur celle de la donnée.
« 1) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprété en ce sens qu’une «base de données», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, est protégée par le droit d’auteur prévu par celle-ci à condition que le choix ou la disposition des données qu’elle contient constitue une expression originale de la liberté créatrice de son auteur, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
Par conséquent:
– les efforts intellectuels et le savoir-faire consacrés à la création desdites données ne sont pas pertinents pour déterminer l’éligibilité de ladite base à la protection par ce droit;
– il est indifférent, à cette fin, que le choix ou la disposition de ces données comporte ou non un ajout significatif à celles-ci, et
– le travail et le savoir-faire significatifs requis pour la constitution de cette base ne sauraient, comme tels, justifier une telle protection s’ils n’expriment aucune originalité dans le choix ou la disposition des données que celle-ci contient.
2) La directive 96/9 doit être interprétée en ce sens que, sous réserve de la disposition transitoire contenue à son article 14, paragraphe 2, elle s’oppose à une législation nationale qui accorde à des bases de données relevant de la définition contenue à son article 1er, paragraphe 2, une protection par le droit d’auteur à des conditions différentes de celles prévues à son article 3, paragraphe 1″. Arrêt du 1er mars 2012, C‑604/10
En France, le régime juridique du droit sui generis des bases de données est organisé pour l’essentiel par la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, et par sa loi du 1er juillet 1998 de transposition dans le code de la propriété intellectuelle. La directive. La loi.
Avec la directive, les bases de données doivent être comprises comme tout recueil d’oeuvres littéraires, artistiques, musicales ou autres, ou de matières telles que textes, sons, images, chiffres, faits et données; qu’il doit s’agir de recueils d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles. L’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi de transposition a repris sensiblement la même définition en y ajoutant que ces bases de données sont accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.
Précisons– le tout de suite, les bases de données dont il est question, ne sont pas seulement les bases de données électroniques et que pour bénéficier de ce régime de protection il n’est pas requis que ces matières aient été stockées physiquement de manière organisée.
La directive a pris soin d’écarter de son champ d’application différents matières au regard de l’existence de régimes spécifiques de protection. Par exemple, la location et le prêt de bases de données dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins sont régis exclusivement par la directive 92/ 100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992. En son également exclus les programmes d’ordinateur utilisés dans la fabrication ou le fonctionnement d’une base de données, ces programmes d’ordinateur étant protégés par la directive 91 /250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur. Inversement les oeuvres protégées par le droit d’auteur et les prestations protégées par des droits voisins qui sont incorporées dans une base de données restent néanmoins protégées par les droits exclusifs respectifs.
L’objet de ce droit sui generis est d’assurer la protection d’un investissement dans l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu d’une base de données pour la durée limitée du droit. L’article L 341-1 du C.P.I prévoit ainsi que le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Le titulaire de ce droit sui generis n’est pas un auteur – la personne physique – comme dans le droit d’auteur classique, mais le fabricant comme le nomme la directive et que la loi française appelle producteur.
Le caractère substantiel de l’investissement
- La bonne qualification de l’investissement est un exercice difficile dans le contentieux de la contrefaçon de bases de données.
L’arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2015 qui casse un arrêt de la Cour de Paris, illustre la difficulté de l’examen des investissements à retenir. L’arrêt du 12 novembre 2015 est là.
Attendu que, pour la déclarer irrecevable à agir en réparation de l’atteinte portée à ses droits de producteur, l’arrêt retient que la société ……………..se doit de rapporter la preuve d’investissements spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu’elle consacre à la création des éléments constitutifs de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients ;
Qu’en se déterminant ainsi, par un motif qui ne permet pas de définir si elle a considéré que les investissements liés à la collecte des données et à leur diffusion, telles que recueillies, relevaient de la création des éléments constitutifs du contenu de sa base et ne devaient donc pas être pris en considération ou si, au contraire, ils faisaient partie des investissements « spécifiques » dont la société ……devait rapporter la preuve pour justifier la protection qu’elle sollicitait, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
- La condition du caractère substantiel n’est pas de pure forme comme le montre l’arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2015 qui rejette le pourvoi contre l’arrêt d’appel qui a refusé de voir un investissement substantiel à propos d’une base de données relatives aux horaires des avions. L’arrêt est là.
Mais attendu qu’après avoir qualifié de base de données les informations relatives aux vols, horaires, disponibilités et tarifs réunies par la société Ryanair en un ensemble de données organisées et structurées de manière à pouvoir être facilement consultées et utilisées par les internautes, et avoir justement retenu qu’il importait peu que cette base fût dédiée à son activité principale, la cour d’appel a exclu du champ de l’investissement entrant dans la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de ladite base, tant le coût des logiciels destinés à assurer le fonctionnement du système de gestion commerciale que les dépenses relatives à l’application informatique de la billetterie, et, appréciant les autres éléments invoqués par la société Ryanair au titre de l’investissement consenti pour la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données litigieuse, a, souverainement, estimé que celui-ci ne revêtait pas un caractère substantiel, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ; que le moyen n’est pas fondé ;
- La Grande Chambre de la Cour de justice- c’est dire l’importance de ces questions – s’est prononcée plusieurs fois le 9 novembre 2004 sur cette notion d’investissement substantiel . Autant d’affaires qui soulignent la diversité des situations où sont mises en oeuvre des bases de données protégées par le droit sui generis.
A propos de rencontres sportives . « La notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données. Dans le contexte de l’établissement d’un calendrier de rencontres aux fins de l’organisation de championnats de football, elle ne vise dès lors pas les moyens consacrés à la détermination des dates, des horaires et des paires d’équipes relatifs aux différentes rencontres de ces championnats ». Arrêt du 9 novembre 2009, C-46/02
Pour des calendriers de championnats de football. « La notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données. Dans le contexte de l’établissement d’un calendrier de rencontres aux fins de l’organisation de championnats de football, elle ne vise dès lors pas les moyens consacrés à la détermination des dates, des horaires et des paires d’équipes relatifs aux différentes rencontres de ces championnats« . Arrêt du 9 novembre 2004, C-338/02
Calendriers de championnats de football – Jeux de paris, la question préjudicielle a été posée par une autorité grecque. « La notion de base de données au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, vise tout recueil comprenant des œuvres, des données ou d’autres éléments, séparables les uns des autres sans que la valeur de leur contenu s’en trouve affectée, et comportant une méthode ou un système, de quelque nature que ce soit, permettant de retrouver chacun de ses éléments constitutifs.
Un calendrier de rencontres de football tel que ceux en cause dans l’affaire au principal constitue une base de données au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 96/9.
La notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9 doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données. Dans le contexte de l’établissement d’un calendrier de rencontres aux fins de l’organisation de championnats de football, elle ne vise dès lors pas les moyens consacrés à la détermination des dates, des horaires et des paires d’équipes relatifs aux différentes rencontres de ces championnats« . Arrêt du 9 novembre 2004, C-444/02
Aux fins de l’organisation de paris hippiques.
« 1°) La notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données.
La notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9 doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci. Des moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d’éléments par la suite rassemblés dans une base de données ne relèvent pas de cette notion.
Les moyens consacrés à l’établissement d’une liste des chevaux participant à une course et aux opérations de vérification s’inscrivant dans ce cadre ne correspondent pas à un investissement lié à l’obtention et à la vérification du contenu de la base de données dans laquelle figure cette liste.
2) Les notions d’extraction et de réutilisation au sens de l’article 7 de la directive 96/9 doivent être interprétées comme se référant à tout acte non autorisé d’appropriation et de diffusion au public de tout ou partie du contenu d’une base de données. Ces notions ne supposent pas un accès direct à la base de données concernée.
La circonstance que le contenu de la base de données a été rendu accessible au public par la personne qui l’a constituée ou avec son consentement n’affecte pas le droit de cette dernière d’interdire les actes d’extraction et/ou de réutilisation portant sur la totalité ou sur une partie substantielle du contenu d’une base de données.
3) La notion de partie substantielle, évaluée de façon quantitative, du contenu d’une base de données au sens de l’article 7 de la directive 96/9 se réfère au volume de données extrait et/ou réutilisé de la base et doit être appréciée par rapport au volume du contenu total de la base.
La notion de partie substantielle, évaluée de façon qualitative, du contenu d’une base de données se réfère à l’importance de l’investissement lié à l’obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu de l’objet de l’acte dタルextraction et/ou de réutilisation, indépendamment du point de savoir si cet objet représente une partie quantitativement substantielle du contenu général de la base de données protégée.
Relève de la notion de partie non substantielle du contenu d’une base de données toute partie ne répondant pas à la notion de partie substantielle d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif.
4) L’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 5, de la directive 96/9 vise les actes non autorisés d’extraction et/ou de réutilisation qui, par leur effet cumulatif, tendent à reconstituer et/ou à mettre à la disposition du public, sans autorisation de la personne qui a constitué la base de données, la totalité ou une partie substantielle du contenu de ladite base, et qui portent ainsi gravement atteinte à l’investissement de cette personne ». Arrêt du 9 novembre 2004, C-203/02
Le droit du producteur de bases de données peut être mobilisé contractuellement
Ce droit du producteur de la base de données peut être transféré, cédé ou donné en licence contractuelle. Se retrouve ici la souplesse des droits de propriété industrielle. Mais avec des dispositions spécifiques, parmi lesquelles celles de l’article L342-3 du C.P.I dans sa rédaction de l’époque « . – Lorsqu’une base de données est mise à la disposition du public par le titulaire des droits, celui-ci ne peut interdire : « 1° L’extraction ou la réutilisation d’une partie non substantielle, appréciée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base, par la personne qui y a licitement accès ; « 2° L’extraction à des fins privées d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données non électronique sous réserve du respect des droits d’auteur ou des droits voisins sur les oeuvres ou éléments incorporés dans la base. »
Contrefaçon de bases de données, l’importance de l’extraction
Le droit du producteur de bases de données se manifeste comme un droit d’interdire. Ces interdictions sont celles énumérées aux articles L342-1 et L342-2 du C.P.I sous réserve de certaines exceptions que contiennent ces deux articles et les articles suivants du C.P.I. « 1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ; 2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme. » ou encore « Le producteur peut également interdire l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données ».
Un arrêt intéressant a été rendu par la Cour de cassation le 13 mai 2014 à propos de la contrefaçon de bases de données.
1°/ que seule l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données ayant requis un investissement substantiel peut être interdite par son producteur ; qu’en se fondant sur le pourcentage d’identité entre les adresses URL et les noms de domaines de la base de données de la société Optenet et ceux composant la base de données de la société Xooloo pour caractériser l’atteinte au droit du producteur de bases de données reconnu à cette dernière, sans constater que les données extraites devraient correspondre, quantitativement ou qualitativement, à un investissement substantiel de la société Xooloo, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que la protection d’une base de données par le droit d’auteur s’applique au choix ou à la disposition des données qu’elle contient, à l’exclusion de son contenu ; qu’en se fondant sur le pourcentage d’identité entre les adresses URL et les noms de domaines de la base de données de la société Optenet et ceux composant la base de données de la société Xooloo pour caractériser la contrefaçon résultant des actes de reproduction sans autorisation de son auteur de la base de données de celle-ci, sans constater qu’auraient été reproduits des éléments liés au choix ou à la disposition du contenu de cette base de données constituant une expression originale de la liberté créatrice de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1, L. 112-3, L. 122-5 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, tels qu’interprétés à la lumière des articles 3 et suivants de la directive n° 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a apprécié souverainement l’importance des extractions litigieuses, a constaté que mille adresses URL complètes à l’octet près, et neuf cent soixante-quatorze noms de domaines de la « liste blanche » se retrouvaient dans la base incriminée, caractérisant ainsi l’extraction d’une partie substantielle de la base de données de la société Xooloo, sans l’autorisation de cette dernière ;
Et attendu qu’après avoir relevé que la base de données de la société Xooloo, construite sur le principe du « rien sauf », se présentait sous la forme d’une « liste blanche » (dénommée « Guide junior »), porteuse d’une sélection d’adresses URL et retenu que celle-ci reflétait des choix éditoriaux personnels, opérés au regard de la conformité des contenus qui la constituent à la charte qui gouverne la démarche de la société Xooloo, l’arrêt constate que la société Optenet a constitué une base de données fondée sur le même principe, dont la partie visible présentait avec la partie non cryptée de la base de données de la société Xooloo un taux d’identité s’élevant à 35,05 % des adresses URL complètes -parmi lesquelles des adresses dites « sentinelles » délibérément tronquées par Xooloo-, et à 59,82 % des noms de domaine, que la cour d’appel en a déduit que ces actes de reproduction constituaient des actes de contrefaçon de droit d’auteur, justifiant ainsi légalement sa décision ;
- Les circonstance de l’accès à la base de données
La multiplicité des supports et la diversité des circonstances qui permettent l’accès au public du contenu d’une bases de données ne pouvaient que conduire à une nouvelle intervention de la Cour de justice après les arrêts de 2004. L’arrêt de 2008 est topique des enjeux en cause.
- Les faits en cause tels que rappelés à l’arrêt du 9 octobre 2008, qui ont conduit la juridiction allemande a saisir d’une question préjudicielle la Cour de justice
« 9 M. Knoop dirige, à l’Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, le projet «Klassikerwortschatz» (Vocabulaire des classiques), qui a débouché sur la publication de Freiburger Anthologie (Anthologie de Fribourg-en-Brisgau), un recueil de poèmes écrits entre 1720 et 1933.
10 Cette anthologie repose sur une liste de poèmes établie par M. Knoop, Die 1 100 wichtigsten Gedichte der deutschen Literatur zwischen 1730 und 1900 (Les 1 100 plus importants poèmes de la littérature allemande entre 1730 et 1900, ci-après la «liste de poèmes établie par M. Knoop»), publiée sur l’Internet.
11 Après une explication introductive, cette liste de poèmes, dont le classement est fonction de la fréquence de citation de ces derniers dans différentes anthologies, indique l’auteur, le titre, la première ligne et l’année de publication de chaque poème. Cette liste repose ainsi sur une sélection de 14 anthologies choisies sur un total d’environ 3 000 d’entre elles, à laquelle a été ajoutée la compilation bibliographique de Mme Dühmert de 50 anthologies en allemand, Von wem ist das Gedicht? (Qui a écrit ce poème?).
12 À partir de ces ouvrages, qui contiennent environ 20 000 poèmes, ont été sélectionnés les poèmes cités, à tout le moins, dans trois anthologies ou à trois reprises dans la compilation bibliographique de Mme Dühmert. Afin de permettre leur exploitation statistique, les titres et les premières lignes des poèmes ont été uniformisés et une liste récapitulative des poèmes a été établie. Grâce à des recherches bibliographiques, tant les ouvrages dans lesquels les poèmes ont été publiés que la date de leur composition ont été identifiés. Environ deux ans et demi ont été nécessaires pour accomplir ce travail, dont les coûts, d’un montant total de 34 900 euros, ont été supportés par l’Albert-Ludwigs-Universität Freiburg.
13 Directmedia distribue un CD-ROM, 1 000 Gedichte, die jeder haben muss (1 000 poèmes qu’il faut avoir), publié au cours de l’année 2002. Parmi les poèmes figurant sur ce CD-ROM, 876 datent de la période comprise entre 1720 et 1900. 856 d’entre eux sont également cités dans la liste de poèmes établie par M. Knoop.
14 Pour la compilation des poèmes repris sur son CD-ROM, Directmedia s’est inspirée de cette liste. Elle a omis de reprendre certains poèmes figurant sur celle-ci, en a ajouté d’autres et a soumis, pour chaque poème, la sélection opérée par M. Knoop à un examen critique. Quant au texte même de chaque poème, Directmedia l’a tiré de son propre matériel numérique.
15 Estimant que, à travers la diffusion de son CD-ROM, Directmedia portait atteinte tant au droit d’auteur de M. Knoop, en tant que créateur d’un recueil, qu’au droit voisin de l’Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, en tant que «fabricant d’une base de données», ces derniers ont intenté une action en cessation et en réparation contre Directmedia. Leur action tendait également à ce que celle-ci remette, en vue de leur destruction, les exemplaires de son CD-ROM encore en sa possession ».
- La règle de droit dite par la Cour de Justice le 9 octobre 2008
« La reprise d’éléments d’une base de données protégée dans une autre base de données à l’issue d’une consultation de la première base sur écran et d’une appréciation individuelle des éléments contenus dans celle-ci est susceptible de constituer une «extraction», au sens de l’article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, pour autant que – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier – cette opération corresponde au transfert d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base de données protégée ou à des transferts de parties non substantielles qui, par leur caractère répété et systématique, auraient conduit à reconstituer une partie substantielle de ce contenu ». Arrêt du 9 octobre 2008, C‑304/07
- Même l’accès à une base de données juridiques peut être concerné, comme le montre l’arrêt de la Cour de Justice du 5 mars 2009.
La base de données juridiques dont il est question telle que présentée à l’arrêt.
« 17 Lakorda fait valoir que, pour mener à bien son projet, elle s’est appuyée sur ses relations avec différentes autorités nationales et européennes. Elle aurait en outre utilisé des sources accessibles au public, telles que le Darzhaven vestnik (Journal officiel de la République de Bulgarie) et les sites officiels des institutions et des juridictions nationales, ce qui expliquerait la grande similitude de contenus existant entre ses modules et ceux d’Apis, ainsi que la présence, toutefois limitée, de caractéristiques analogues à celles des modules d’Apis, s’agissant notamment des renvois à des traductions et des commandes. Au demeurant, en vertu de la ZAPSP, les actes officiels des organes de l’État ne relèveraient pas du régime de la protection par le droit d’auteur.
18 Lakorda ajoute que la grande majorité des notes rédactionnelles ainsi que les hyperliens qui figurent dans le système «Lakorda legis» sont le résultat d’une conception personnelle, reposant sur un traitement, un classement et un marquage systématiques extrêmement détaillés des actes recensés. Ledit système contiendrait ainsi 1 200 000 données structurées, accessibles séparément, et plus de 2 700 000 hyperliens, conçus selon une méthode unique de reconnaissance et de classement. Par ailleurs, il existerait des différences significatives entre les décisions de justice recensées dans les systèmes d’information respectifs de Lakorda et d’Apis, notamment au niveau des éléments signalés comme étant essentiels à la lecture de la décision concernée. Quant aux techniques rédactionnelles caractérisant les modules d’Apis, elles résulteraient des règles communes de ponctuation en vigueur dans la langue bulgare ».
La réponse donnée par la Cour de Justice à l’autorité bulgare.
« 1) La délimitation des notions respectives de «transfert permanent» et de «transfert temporaire», au sens de l’article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, repose sur le critère de la durée de conservation des éléments extraits d’une base de données protégée sur un support autre que celui de cette base de données. Le moment de l’existence d’une extraction, au sens dudit article 7, à partir d’une base de données protégée, accessible par voie électronique, correspond au moment de la fixation des éléments visés par l’acte de transfert sur un support autre que celui de cette base de données. Cette notion d’extraction est indépendante de l’objectif poursuivi par l’auteur de l’acte en cause, des modifications éventuellement apportées par ce dernier au contenu des éléments ainsi transférés ainsi que des différences éventuelles relatives à l’organisation structurelle des bases de données concernées.
La circonstance que des caractéristiques matérielles et techniques présentes dans le contenu d’une base de données protégée d’un fabricant figurent également dans le contenu d’une base de données d’un autre fabricant peut être interprétée comme un indice de l’existence d’une extraction, au sens de l’article 7 de la directive 96/9, à moins qu’une telle coïncidence puisse s’expliquer par d’autres facteurs qu’un transfert intervenu entre les deux bases de données concernées. Le fait que des éléments obtenus par le fabricant d’une base de données auprès de sources non accessibles au public figurent également dans la base de données d’un autre fabricant ne suffit pas, en tant que tel, à prouver l’existence d’une telle extraction, mais peut constituer un indice de celle-ci.
La nature des programmes informatiques utilisés pour la gestion de deux bases de données électroniques ne constitue pas un élément d’appréciation de l’existence d’une extraction au sens de l’article 7 de la directive 96/9.
2) L’article 7 de la directive 96/9 doit être interprété en ce sens que, en présence d’un ensemble global d’éléments comportant des sous-groupes séparés, le volume des éléments prétendument extraits et/ou réutilisés de l’un de ces sous-groupes doit, aux fins d’apprécier l’existence d’une extraction et/ou d’une réutilisation d’une partie substantielle, évaluée de façon quantitative, du contenu d’une base de données, au sens dudit article, être comparé au volume du contenu total de ce sous-groupe si ce dernier constitue, en tant que tel, une base de données répondant aux conditions d’octroi de la protection par le droit sui generis. Dans le cas contraire, et pour autant que ledit ensemble constitue une telle base de données protégée, la comparaison doit être opérée entre le volume des éléments prétendument extraits et/ou réutilisés des différents sous-groupes de cet ensemble et le volume du contenu total de ce dernier.
La circonstance que des éléments prétendument extraits et/ou réutilisés à partir d’une base de données protégée par le droit sui generis ont été obtenus par le fabricant de celle-ci auprès de sources non accessibles au public peut, en fonction de l’importance des moyens humains, techniques et/ou financiers déployés par ce fabricant pour collecter les éléments en cause auprès de telles sources, avoir une incidence sur la qualification de ceux-ci de partie substantielle, d’un point de vue qualitatif, du contenu de la base de données concernée, au sens de l’article 7 de la directive 96/9.
Le caractère officiel et accessible au public d’une partie des éléments contenus dans une base de données ne dispense pas la juridiction nationale de vérifier, aux fins d’apprécier l’existence d’une extraction et/ou d’une réutilisation portant sur une partie substantielle du contenu de ladite base de données, si les éléments prétendument extraits et/ou réutilisés à partir de cette base de données constituent, d’un point de vue quantitatif, une partie substantielle du contenu total de cette dernière ou, le cas échéant, s’ils constituent, d’un point de vue qualitatif, une telle partie substantielle en ce qu’ils représentent, en termes d’obtention, de vérification ou de présentation, un important investissement humain, technique ou financier ». Arrêt du 5 mars 2009, C‑545/07
- L’exploitation par un moteur de recherche d’un tiers d’une base de données accessible via un site web.
Quant à l’utilisation d’une base de données accessible via un site qu’un moteur de recherche d’un tiers exploite, cette situation a été analysée par la Cour de justice dans son arrêt du 19 décembre 2013 :
« L’article 7, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprété en ce sens qu’un opérateur qui met en ligne sur Internet un métamoteur de recherche dédié tel que celui en cause au principal procède à une réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données protégée par cet article 7 dès lors que ce métamoteur de recherche dédié:
– fournit à l’utilisateur final un formulaire de recherche offrant, en substance, les mêmes fonctionnalités que le formulaire de la base de données;
– traduit «en temps réel» les requêtes des utilisateurs finaux dans le moteur de recherche dont est équipée la base de données, de sorte que toutes les données de cette base sont explorées, et
– présente à l’utilisateur final les résultats trouvés sous l’apparence extérieure de son site Internet, en réunissant les doublons en un seul élément, mais dans un ordre fondé sur des critères qui sont comparables à ceux utilisés par le moteur de recherche de la base de données concernée pour présenter les résultats« . Arrêt du 19 décembre 2013, C‑202/12
- Quelle est la plus value apportée par la base à la donnée et inversement, y-a-t-il un effet base de données ?
La Cour de justice s’est prononcée sur la valeur de la donnée par sa place dans la base de donnée que l’arrêt du 29 octobre 2015 explicite ainsi :
« 3 Il convient de relever à cet effet que la création d’une base de données, que la directive 96/9, ainsi qu’il résulte du point 16 du présent arrêt, vise à stimuler par la protection juridique instituée par celle-ci, est susceptible de conférer une valeur ajoutée aux éléments constitutifs de cette base de données par l’effet de la disposition de ces derniers de manière systématique ou méthodique et individuellement accessible. Si la valeur d’un élément d’un recueil se trouve augmentée par sa disposition dans celui-ci, son extraction dudit recueil est susceptible de donner lieu à une diminution correspondante de valeur, qui n’affectera cependant pas sa qualification d’«élément indépendant», au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 96/9, pour autant que cet élément conserve une valeur informative autonome. »
L’arrêt le dit aussi dans son dispositif :
« L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprété en ce sens que des données géographiques qui sont extraites par un tiers d’une carte topographique aux fins de la fabrication et de la commercialisation d’une autre carte conservent, après leur extraction, une valeur informative suffisante pour pouvoir être qualifiées d’«éléments indépendants» d’une «base de données» au sens de ladite disposition ». Arrêt du 29 octobre 2015, C‑490/14
L’atteinte aux droits du producteur de base de données constitue une contrefaçon
La violation des interdictions dont bénéficie le producteur de la base de données est qualifiée de contrefaçon. Le producteur de base de données bénéfice de la saisie –contrefaçon prévue à l’article L343-1 du C.P.I , de toutes les mesures habituelles même en l’absence de contrefaçon (L343-1-1) à savoir notamment l’interdiction provisoire ( L343-2), les mesures de constations par personnes assermentées (L343-3). La loi du 3 juin 2016 a porté l’atteinte aux droits du producteur d’une base de quand le délit est commis en bande organisée à des peines de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.
Pour la détermination de la législation applicable, la localisation du fait illicite est pris en compte. (En ce sens, l’arrêt du 18 octobre 2012 : « L’article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprété en ce sens que l’envoi par une personne, au moyen d’un serveur web situé dans un État membre A, de données préalablement téléchargées par cette personne à partir d’une base de données protégée par le droit sui generis au titre de cette même directive, sur l’ordinateur d’une autre personne établie dans un État membre B, à la demande de cette dernière, à des fins de stockage dans la mémoire de cet ordinateur et d’affichage sur l’écran de celui-ci, constitue un acte de «réutilisation» desdites données par la personne ayant procédé à cet envoi. Il convient de considérer que cet acte a lieu, à tout le moins, dans l’État membre B, dès lors qu’il existe des indices permettant de conclure qu’un tel acte révèle l’intention de son auteur de cibler des membres du public établis dans ce dernier État membre, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier. ». Arrêt du 18 octobre 2012, C‑173/11
En l’absence de droit d’auteur ou de droit sui generis, il reste toujours la possibilité de mettre en place un dispositif contractuel de protection comme le rappelle la Cour de justice :
« La directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable à une base de données qui n’est protégée ni par le droit d’auteur ni par le droit sui generis en vertu de cette directive, si bien que les articles 6, paragraphe 1, 8 et 15 de ladite directive ne font pas obstacle à ce que le créateur d’une telle base de données établisse des limitations contractuelles à l’utilisation de celle-ci par des tiers, sans préjudice du droit national applicable ». Arrêt du 15 janvier 2015, C‑30/14