Comment appliquer aux brevets, aux marques et aux modèles (les indications géographiques industrielles et artisanales sont concernées par leur cahier des charges) délivrés par l’INPI, le principe du silence de l’Administration vaut décision d’acceptation, principe issu de la loi du 12 novembre 2013 ?
Réponse en cinq étapes.
1. L’article 1er de la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, prévoit que « Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation ».
2. Début novembre 2014, est publiée « la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration sur une demande vaut accord »
« la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration sur une demande vaut accord« , c’est-à-dire un document de 113 pages.Ici
3. Mais le décret n° 2014-1280 du 23 octobre 2014 a posé des exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » :
– Son article 2 prévoit « Pour les demandes mentionnées à l’article 1er, l’annexe au présent décret fixe, lorsqu’il est différent du délai de deux mois, le délai à l’expiration duquel la décision de rejet est acquise. »
– Et son article 5 dispose : « Les dispositions du présent décret s’appliquent aux demandes présentées à compter du 12 novembre 2014. »
Le site de l’ASPI tente une présentation de ces différentes dispositions. C’est ici.
Le communiqué de l’INPI accessible sur son site reconnait des difficultés :
« La mise en œuvre du décret du 23 octobre 2014 dans le domaine des demandes de brevet suscite des interrogations et des difficultés relatives à la nature de la décision implicite susceptible de survenir à l’issue de la période d’instruction de la demande. Ces difficultés ont été identifiées. Elles font actuellement l’objet de mesures correctrices destinées à les supprimer et qui clarifieront à brève échéance l’articulation des normes juridiques régissant les demandes concernées. Dans l’immédiat, après une analyse conjointe avec les services juridiques de l’État, il importe de souligner qu’en dépit de ces zones d’ombre, les dispositions de l’article L. 612-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) permettent toujours de garantir la parfaite sécurité juridique des demandes déposées auprès de l’INPI à compter du 12 novembre 2014. »
Faut-il citer uniquement l’article L612-1 :
« La demande de brevet est présentée dans les formes et conditions prévues par le présent chapitre et précisées par voie réglementaire. » ?
Et oublier l’article L612-12 ou le rappeler également « Est rejetée, en tout ou partie, toute demande de brevet :
1° Qui ne satisfait pas aux conditions visées à l’article L. 612-1 ;
2° Qui n’a pas été divisée conformément à l’article L. 612-4 ;
3° Qui porte sur une demande divisionnaire dont l’objet s’étend au-delà du contenu de la description de la demande initiale ;
4° Qui a pour objet une invention manifestement non brevetable en application des articles L. 611-16 à L. 611-19 ;
5° Dont l’objet ne peut manifestement être considéré comme une invention au sens de l’article L. 611-10, deuxième paragraphe.
6° Dont la description ou les revendications ne permettent pas d’appliquer les dispositions de l’article L. 612-14 ;
7° Qui n’a pas été modifiée, après mise en demeure, alors que l’absence de nouveauté résultait manifestement du rapport de recherche ;
8° Dont les revendications ne se fondent pas sur la description ;
9° Lorsque le demandeur n’a pas, s’il y a lieu, présenté d’observations ni déposé de nouvelles revendications au cours de la procédure d’établissement du rapport de recherche prévu à l’article L. 612-14.
Si les motifs de rejet n’affectent la demande de brevet qu’en partie, seules les revendications correspondantes sont rejetées.
En cas de non-conformité partielle de la demande aux dispositions des articles L. 611-17, L. 611-18, L. 611-19 (4° du I) ou L. 612-1, il est procédé d’office à la suppression des parties correspondantes de la description et des dessins. »
Et méconnaitre ou appliquer l’article L411-5 qui prévoit que « Les décisions de rejet mentionnées au premier alinéa de l’article L411-4 sont motivées ». C’est à dire :
« Le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle prend les décisions prévues par le présent code à l’occasion de la délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle, ainsi qu’à l’occasion de l’homologation, du rejet ou de la modification du cahier des charges des indications géographiques définies à l’article L721-2 ou du retrait de cette homologation. »
Mais que resterait-il de l’exception réglementaire du décret du 23 octobre 2014 ?
4. Les interrogations ont-elles pris fin avec le décret du 7 mai 2015 ?
Le 8 mai est publié le décret du 7 mai « Décret n° 2015-511 du 7 mai 2015 modifiant le code de la propriété intellectuelle et le décret n° 2014-1280 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère des finances et des comptes publics et ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique) ». Le décret est ici.
Ce qu’en dit Legifrance :
Objet : exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » ; enregistrement et prorogation d’un enregistrement de dessin ou modèle, enregistrement et renouvellement de l’enregistrement de marque, requête en renonciation, en limitation ou en déchéance de brevet.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Il est applicable aux demandes antérieures qui n’ont pas encore donné lieu à une décision expresse.
Notice : le décret précise les conditions de formation d’une décision implicite de rejet en cas de silence de l’administration pour les procédures suivantes : enregistrement et prorogation d’un enregistrement d’un dessin ou modèle, requête en renonciation, en limitation ou en déchéance de brevet, enregistrement et renouvellement de l’enregistrement de marque. Le décret supprime dans l’annexe du décret n° 2014-1280 du 23 octobre 2014 les références à ces procédures et celles relatives à la délivrance de brevet et à l’opposition à la demande d’enregistrement de marque, l’instruction de ces demandes étant régie par des dispositions législatives spécifiques du code de la propriété intellectuelle.
5. Mais tout n’était réglé comme le rappelle l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2015
Saisi par différentes associations de praticiens du droit des marques, des modèles et des brevets, le Conseil d’Etat annule les dispositions du décret de 2014 dont l’existence pouvait poser une difficulté malgré le décret du 7 mai 2015.
L’arrêt du 30 décembre 2015 est là.
A propos des marques :
4. Considérant que le décret du 7 mai 2015 modifiant le code de la propriété intellectuelle a retiré de la liste des exceptions à l’application du principe » silence vaut acceptation « , qui figurait à l’annexe du décret attaqué n° 2014-1280, les demandes d’enregistrement de marque, d’opposition à la demande d’enregistrement de marque, de renouvellement de la marque, de délivrance de brevet, d’enregistrement de dessin et modèle et de prorogation d’un enregistrement de dessin et modèle ; qu’eu égard à la date d’entrée en vigueur de ce dernier décret, aux délais qu’il prévoyait pour la naissance d’une décision implicite de rejet et à la date d’entrée en vigueur du décret du 7 mai 2015, dont les dispositions étaient d’application immédiate, aucune décision tacite n’a pu naître sur des demandes tendant à un enregistrement d’une marque, à une opposition à une demande d’enregistrement de marque, au renouvellement d’une marque, à l’enregistrement d’un dessin et modèle ou à la prorogation d’un enregistrement de dessin et modèle ; qu’ainsi, en tant qu’il concerne ces décisions, le décret attaqué n° 2014-1280 n’a reçu aucune exécution ; que, dans cette mesure, les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le ministre de l’économie, de
l’industrie et du numérique doivent être accueillies ;
L’essentiel de cet arrêt :
« …..
Article 4 : En tant qu’il concerne les décisions relatives aux demandes de brevet d’invention et d’homologation du cahier des charges des indications géographiques industrielles et artisanales, le décret n° 2014-1280 du 23 octobre 2014 est annulé.
Article 5 : En tant qu’il prévoit un délai de six mois à l’issue duquel le silence de l’administration sur les demandes d’inscription de changement de nom, de forme juridique ou d’adresse au registre des marques, brevets, dessins et modèles visées par les articles R. 512-17 et suivants, R. 613-57 et suivants et R. 714-6 et suivants du code de la propriété intellectuelle vaut acceptation, le décret n° 2014-1281 du 23 octobre 2014 est annulé.
…. »