Les contentieux devant l’Office européen des marques, EUIPO, avec les différentes procédures de recours qu’il connaît, peuvent conduire à des situations complexes même pour un avocat. Par exemple, quand il est nécessaire de déterminer la correspondance entre les catégories ou sous catégories des produits et services visés au libellé de la marque avec les produits ou services dont les preuves sont apportées et tout cela pour l’avocat au fil des décisions rendues par la division d’apposition, la Chambre de recours et le Tribunal. Illustration avec l’arrêt du 8 février 2018 du Tribunal de l’Union européenne.
Dans cette affaire, la division d’annulation a rejeté partiellement la demande de déchéance.
Le demandeur à la déchéance a déposé un recours qui est rejeté par la Chambre de recours de l’Office. Ce demandeur saisit alors le tribunal qui annule la décision de la Chambre de recours qui avait considéré que la preuve d’usage avait été apportée. L’affaire retourne devant une autre Chambre de recours de l’Office qui retient l’exploitation de la marque, si bien qu’un nouveau recours est déposé devant le Tribunal par le demandeur à la déchéance de la marque. En arrière-plan de ces allers-retours procéduraux, se pose la question de savoir quand la marque est enregistrée pour une catégorie de produits ou services suffisamment large pour que puissent être distinguées en son sein plusieurs sous-catégories susceptibles à leur tour d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux pour une partie de ces produits ou services permet-elle de sauver les autres produits et services ?
Précisons que la catégorie en cause est celle des « appareils pour la reproduction du son et des images », pour laquelle au final la question posée est de savoir si elle est composée exclusivement ou principalement d’appareils qui reproduisent à la fois du son et des images ce qui exclurait les caméras vidéo et les appareils photographiques.
Par l’arrêt du 8 février 2018, la décision de la Chambre de recours est une nouvelle fois annulée.
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
8 février 2018 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative Vieta – Usage sérieux de la marque – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Article 65, paragraphe 6, du règlement (CE) no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001) – Autorité de la chose jugée »
Dans l’affaire T‑879/16,
S…établie à partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté …..en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
M…. SL, établie à Barcelone (Espagne),
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 4 octobre 2016 (affaire R 1010/2016-4), relative à une procédure de déchéance entre S……et M…….,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de ,
greffier :
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2016,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 mars 2017,
à la suite de l’audience du 10 novembre 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 3 août 2000, Gedelson, SA a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Disques acoustiques, dispositifs de nettoyage pour disques acoustiques, haut-parleurs, enceintes acoustiques, amplificateurs de son, bandes vidéo, bandes magnétiques, boîtiers de haut-parleurs, caméras vidéo, films cinématographiques impressionnés, disques compacts, diapositives, appareils photographiques, ordinateurs, écrans vidéo, appareils pour la reproduction du son et des images, appareils de télévision, tourne-disques ».
4 La marque contestée a été enregistrée le 13 septembre 2001 sous le numéro 1790674 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
5 Le 12 décembre 2002, le transfert de la marque contestée au profit de Marpefa, SL a été inscrit au registre de l’EUIPO.
6 Le 25 juillet 2010, l’enregistrement de la marque contestée a été renouvelé jusqu’au 3 août 2020.
7 Le 14 novembre 2011, la requérante, Sony Interactive Entertainment Europe Ltd, qui, à cette date, était dénommée Sony Computer Entertainment Europe Ltd, a présenté une demande de déchéance de la marque contestée, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée. Dans cette demande, elle soutenait que cette marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant la période pertinente de cinq ans et qu’il n’existait pas de justes motifs pour le non-usage.
8 Le 21 mars 2012, en réponse à la demande de déchéance de la marque contestée, Marpefa a affirmé que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux, au moins en Espagne, entre le 14 novembre 2006 et le 13 novembre 2011, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus, et a présenté une série d’éléments de preuve contenant notamment le terme « vieta » ainsi que la marque de l’Union européenne figurative suivante (également représentée en couleur grise) :
9 Par décision du 23 août 2013, la division d’annulation a rejeté la demande en déchéance pour les produits suivants : « haut-parleurs, enceintes acoustiques, amplificateurs de son » et « ordinateurs, écrans vidéo, appareils pour la reproduction du son et des images, appareils de télévision, tourne-disques ». Elle l’a accueillie pour les autres produits couverts par la marque contestée.
10 Le 28 octobre 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO tendant à l’annulation de la décision de la division d’annulation dans la mesure où elle rejetait la demande en déchéance.
11 Par décision du 2 juillet 2014 (ci-après la « première décision »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En substance, elle a considéré que les éléments de preuve fournis par Marpefa démontraient que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pendant la période pertinente s’agissant des « haut-parleurs, enceintes acoustiques, amplificateurs de son » et des « ordinateurs, écrans vidéo, appareils pour la reproduction du son et des images, appareils de télévision, tourne-disques », relevant de la classe 9.
12 Dans la première décision, en premier lieu, la chambre de recours a indiqué que la période pertinente pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée s’étendait du 14 novembre 2006 au 13 novembre 2011 inclus. En deuxième lieu, elle a considéré que les exigences relatives au lieu de l’usage étaient remplies en l’espèce. En troisième lieu, s’agissant de la durée de l’usage, elle a estimé, en substance, que, pris dans leur ensemble, les éléments de preuve présentés par Marpefa démontraient la « fréquence » et la « régularité » de l’usage de la marque contestée dans l’Union, notamment entre 2008 et 2011. En quatrième lieu, s’agissant de la nature de l’usage, elle a constaté que la marque contestée n’avait pas été utilisée sous une forme qui altérait son caractère distinctif par rapport à la forme sous laquelle elle avait été enregistrée. En cinquième lieu, elle a considéré qu’une appréciation globale des éléments de preuve révélait que la marque contestée avait été utilisée pour désigner les produits mentionnés au point 11 ci-dessus. Dans ce contexte, elle a notamment relevé, au point 46 de la première décision, qu’il était clair que ces produits étaient des « systèmes, articles et produits électroniques et audiovisuels qui [étaient] composés ou [faisaient] partie d’“appareils pour la reproduction du son et des images” », qu’ils « [avaient] tous une nature et un objectif similaires ou identiques et [n’étaient] pas complémentaires, mais intrinsèquement liés », et qu’ils « [appartenaient] au “champ d’extension naturel” », tel que défini par le Tribunal dans l’arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288. Au même point 46, elle a ajouté que l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » était définie de manière suffisamment « précise et circonscrite » pour désigner les produits pour lesquels l’usage avait été démontré et qu’il n’y avait aucune raison valable d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de cette catégorie.
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 2014 et enregistrée sous le numéro d’affaire T‑690/14, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la première décision. À l’appui de son recours, la requérante a invoqué trois moyens. Le troisième moyen était tiré de la violation du principe d’usage partiel visé à l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) et était dirigé contre les constatations faites par la chambre de recours au point 46 de la première décision. Dans le cadre dudit moyen, la requérante faisait valoir, en substance, que la protection accordée à la marque contestée pour les « appareils pour la reproduction du son et des images » s’appliquait à une catégorie de produits beaucoup trop large et que celle-ci devrait être subdivisée en sous-catégories. Lors de l’audience dans l’affaire susmentionnée, elle a ajouté que ladite catégorie n’était pas délimitée avec suffisamment de clarté et de précision.
14 Par arrêt du 10 décembre 2015, Sony Computer Entertainment Europe/OHMI – Marpefa (Vieta) (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), le Tribunal a accueilli le troisième moyen du recours au motif, en substance, que, contrairement à ce qui était affirmé au point 46 de la première décision, il ne pouvait être considéré que l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » était définie de manière suffisamment « précise et circonscrite ». Le Tribunal a relevé que, d’ailleurs, invité lors de l’audience à indiquer ce que recouvrait cette expression, l’EUIPO n’avait pas été en mesure d’apporter la moindre réponse concluante. Le Tribunal a également constaté que ladite expression, comprise dans son sens propre et usuel, était susceptible d’inclure un large éventail d’équipements audiovisuels et électroniques, y compris des équipements pour lesquels la division d’annulation avait considéré que la preuve de l’usage sérieux n’avait pas été rapportée. Par conséquent, au point 69 de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), le Tribunal a déclaré qu’il y avait lieu d’« annuler la [première] décision […] en tant qu’elle prévo[ya]it que la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée a[vait] été rapportée pour les “appareils pour la reproduction du son et des images” et, partant, qu’elle rejet[ait] le recours contre la décision de la division d’annulation de rejeter la demande en déchéance de la marque contestée pour lesdits appareils ».
15 Les points 1 et 2 du dispositif de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), se lisent comme suit :
« 1) La [première] décision […] est annulée dans la mesure où elle a rejeté le recours contre la décision de la division d’annulation de rejeter la demande en déchéance de la marque [contestée] pour les “appareils pour la reproduction du son et des images”.
2) Le recours est rejeté pour le surplus. »
16 À la suite de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), le présidium des chambres de recours de l’EUIPO, par décision du 6 juin 2016, a renvoyé l’affaire devant la quatrième chambre de recours sous la référence R 1010/2016-4.
17 Par décision du 4 octobre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours dans l’affaire R 1010/2016-4.
18 Dans la décision attaquée, tout d’abord, la chambre de recours a indiqué que, à la suite de l’annulation partielle de la première décision par l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), il lui appartenait d’examiner si la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « appareils pour la reproduction du son et des images » au cours de la période pertinente (point 13 de la décision attaquée). Elle a précisé que la première décision était définitive en ce qui concerne les « haut-parleurs, enceintes acoustiques, amplificateurs de son, ordinateurs, écrans vidéo, appareils de télévision [et] tourne-disques » et que, en conséquence, l’usage sérieux de la marque contestée pour ces produits avait été démontré (point 14 de la décision attaquée).
19 Ensuite, la chambre de recours a exposé que l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » visait tout appareil pouvant reproduire à la fois du son et des images (point 15 de la décision attaquée). Elle a considéré qu’un appareil de télévision était synonyme d’un appareil spécifique pour la reproduction du son et de l’image et que, pour ce motif, le recours formé devant elle par la requérante devait être rejeté (point 17 de la décision attaquée). Elle ajouté que l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » était une « expression spécifique et […] un synonyme d’“appareils de télévision”, suffisamment clair et précis », et qu’elle ne faisait pas partie de l’intitulé de la classe 9 (point 18 de la décision attaquée).
20 Enfin, la chambre de recours a affirmé que n’était plus pertinent en l’espèce le principe posé par la jurisprudence, tel que rappelé au point 61 de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), selon lequel, dans le cas d’une marque enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou de ces services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou les services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée (point 19 de la décision attaquée).
Conclusions des parties
21 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO et l’autre partie devant la chambre de recours aux dépens.
22 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
23 À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001). Le second moyen est tiré de la violation du principe selon lequel les produits ou les services pour lesquels la protection par la marque de l’Union européenne est demandée doivent être identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision.
24 En ce qui concerne le premier moyen, tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, la requérante soutient que la chambre de recours, en adoptant la décision attaquée, n’a pas respecté le dispositif de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), ni le raisonnement du Tribunal ayant conduit à celui-ci.
25 À cet égard, la requérante avance que la chambre de recours a erronément considéré qu’elle était libre de réexaminer la question de droit et de fait de savoir si l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » était définie de manière suffisamment précise pour satisfaire au principe d’usage partiel, alors que le Tribunal avait conclu le contraire dans l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950). Elle fait valoir que cette conclusion est devenue définitive, faute d’avoir été remise en cause dans le cadre d’un pourvoi contre cet arrêt. Elle estime que c’est à tort, dès lors, que la chambre de recours a tenté d’argumenter que, puisqu’un appareil de télévision pouvait être considéré comme un exemple d’appareil pour la reproduction du son et des images, cette expression était acceptable. En outre, cet argument ne constituerait pas une réponse valable à la conclusion du Tribunal selon laquelle l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » est trop large au regard du principe d’usage partiel. En effet, ce serait précisément parce qu’il est possible de distinguer, au sein de cette expression « générique », des sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome que le principe d’usage partiel s’appliquerait.
26 La requérante considère que le fait que la chambre de recours a affirmé, au point 19 de la décision attaquée, que le principe d’usage partiel consacré par le Tribunal n’était plus pertinent en l’espèce constitue un autre exemple de méconnaissance de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009.
27 L’EUIPO relève que la décision attaquée clarifie certains concepts, notamment le fait que les « appareils pour la reproduction du son et des images » sont ceux qui, exclusivement ou principalement, reproduisent à la fois du son et des images, ce qui exclurait les caméras vidéo ou les appareils photographiques. Il relève également que la chambre de recours a considéré que l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » était synonyme de l’expression « appareils de télévision », à savoir un produit pour lequel l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré.
28 L’EUIPO prétend que la chambre de recours s’est conformée à l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), en examinant s’il était possible de distinguer, au sein de la catégorie des « appareils pour la reproduction du son et des images », une quelconque sous-catégorie homogène de produits susceptible d’être envisagée de manière autonome. La chambre de recours n’aurait, toutefois, pu identifier une telle sous-catégorie, dès lors que ladite catégorie ne comptait qu’un seul type de produits, en l’occurrence les appareils de télévision. L’EUIPO ajoute que la requérante n’a pas davantage proposé une pareille sous-catégorie.
29 L’EUIPO ajoute qu’en incluant dans la catégorie « appareils pour la reproduction du son et des images », outre les appareils de télévision, les projecteurs cinématographiques et les lecteurs DVD et vidéo, une « explication alternative » du sens de l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » pourrait être obtenue. Il estime, toutefois, que ces trois types de produits ne sont pas suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou des sous-catégories cohérentes, susceptibles d’être envisagées de manière autonome. En d’autres termes, il ne serait pas possible d’opérer des divisions significatives au sein de la catégorie des « appareils pour la reproduction du son et des images ». Partant, la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les appareils de télévision, les projecteurs cinématographiques et les lecteurs DVD et vidéo couvrirait toute la catégorie susvisée. À cet égard, il relève que, au point 41 de la première décision, la chambre de recours a constaté qu’un usage sérieux de la marque contestée avait été prouvé pour les projecteurs et les lecteurs DVD portables.
30 Il convient de relever que la jurisprudence a déjà souligné l’importance que revêtait, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (voir arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 86 et jurisprudence citée).
31 Dans ce contexte, il a été jugé que l’autorité de la chose jugée, d’une part, ne s’attachait qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause et, d’autre part, ne s’attachait pas qu’au dispositif de cette décision, mais s’étendait aux motifs de celle-ci qui constituaient le soutien nécessaire de son dispositif et en étaient, de ce fait, indissociables (voir arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 87 et jurisprudence citée).
32 S’agissant des produits visés par la première décision autres que les « appareils pour la reproduction du son et des images », à savoir les « haut-parleurs », les « enceintes acoustiques », les « amplificateurs de son », les « ordinateurs », les « écrans vidéo », les « appareils de télévision » et les « tourne-disques », il ressort de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), que le Tribunal a entériné la conclusion de la chambre de recours, figurant dans la première décision, selon laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour lesdits produits avait été rapportée. Cette conclusion n’est, au demeurant, en aucune manière remise en cause dans le cadre de la présente affaire.
33 S’agissant des « appareils pour la reproduction du son et des images », il ressort des points 63 à 68 de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), que le Tribunal a considéré que cette expression désignait non une catégorie précise et circonscrite de produits, comme l’affirmait la chambre de recours au point 46 de la première décision, mais une large catégorie de produits audiovisuels et électroniques. Partant, en application de la jurisprudence citée au point 61 de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), le Tribunal a conclu, au point 68 du même arrêt, que la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été rapportée pour ces appareils.
34 Tirant les conséquences des considérations et des conclusions visées aux points 32 et 33 ci-dessus, le Tribunal a jugé, au point 69 de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), et au point 1 du dispositif du même arrêt, que la première décision devait être annulée dans la mesure où elle rejetait le recours contre la décision de la division d’annulation de rejeter la demande de déchéance de la marque contestée pour les « appareils pour la reproduction du son et des images ».
35 L’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), étant devenu définitif, puisqu’il n’a pas fait l’objet d’un pourvoi, il y a lieu de constater qu’il a acquis l’autorité de la chose jugée. À cet égard, il importe de préciser que les constatations effectuées par le Tribunal dans l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), en ce qui concerne la portée de l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » et l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour ces appareils (voir point 33 ci-dessus), ont été déterminantes pour étayer le point 1 du dispositif dudit arrêt, qui a partiellement annulé la première décision. Dès lors, elles sont couvertes par l’autorité de la chose jugée dont bénéficie l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), et doivent être considérées comme définitivement tranchées.
36 Par ailleurs, en vertu de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, il appartenait à l’EUIPO de prendre les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950).
37 Selon une jurisprudence constante, un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique [voir arrêt du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, EU:T:2009:85, point 21 et jurisprudence citée].
38 Il ressort de cette même jurisprudence que, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé [arrêts du 13 avril 2011, Safariland/OHMI – DEF-TEC Defense Technology (FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR), T‑262/09, EU:T:2011:171, point 41, et du 8 juin 2017, Bundesverband Deutsche Tafel/EUIPO – Tiertafel Deutschland (Tafel), T‑326/16, non publié, EU:T:2017:380, point 19].
39 En l’espèce, force est de constater que la chambre de recours a correctement donné exécution à l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), en déclarant, au point 14 de la décision attaquée, que la première décision était définitive en ce qui concerne les « haut-parleurs », les « enceintes acoustiques », les « amplificateurs de son », les « ordinateurs », les « écrans vidéo », les « appareils de télévision » et les « tourne-disques » et que l’usage sérieux de la marque contestée avait donc été démontré pour ces produits.
40 La chambre de recours a également correctement donné exécution à l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), en considérant, au point 13 de la décision attaquée, que, à la suite de l’annulation partielle de la première décision prononcée par le Tribunal, il lui appartenait de prendre une nouvelle décision en ce qui concerne les « appareils pour la reproduction du son et des images », puisque le recours formé devant elle par la requérante était redevenu pendant pour cet aspect précis de l’affaire.
41 En revanche, par la décision attaquée, la chambre de recours a clairement méconnu l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), en déclarant, en totale contradiction avec les constatations du Tribunal ayant acquis l’autorité de la chose jugée (voir point 35 ci-dessus), que l’expression « appareils pour la reproduction du son et des images » avait un contenu clair et précis et ne couvrait qu’un seul type de produits, à savoir les appareils de télévision, et en en déduisant que la preuve de l’usage sérieux avait été rapportée pour les « appareils pour la reproduction du son et des images ». C’est donc également en totale contradiction avec le point 1 du dispositif de l’arrêt du 10 décembre 2015, Vieta (T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950), qui lui aussi avait acquis l’autorité de la chose jugée (voir point 35 ci-dessus), que la quatrième chambre de recours a rejeté le recours de la requérante contre la décision de la division d’annulation du 23 août 2013, réaffirmant ainsi le caractère bien fondé du rejet de la demande de déchéance de la marque contestée pour les « appareils pour la reproduction du son et des images », tel que décidé par la division d’annulation dans sa décision susmentionnée puis par la deuxième chambre de recours dans la première décision.
42 Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir le premier moyen, tiré de la violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009.
43 La décision attaquée doit ainsi être annulée sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen.
Sur les dépens
44 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 octobre 2016 (affaire R 1010/2016-4), relative à une procédure de déchéance entre S…..et M….. est annulée.
2) L’EUIPO est condamné aux dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2018.