L’arrêt rendu le 7 juillet est d’une très grande importance pour les déposants de marque. L’arrêt
L’affaire est relative à une demande de marque sonore rejetée successivement par l’examinateur de l’EUIPO puis par la Chambre de recours. Le rejet de cette demande d’enregistrement est confirmé par l’arrêt du 7 juillet 21 du Tribunal de l’Union.
L’intérêt de cette décision repose sur le motif retenu par le Tribunal.
La Chambre de recours a rejeté cette demande en considérant :
22 ………. , lorsque le son demandé reproduit un son inhérent aux produits ou à leur usage, ladite marque doit, pour présenter le caractère distinctif requis, diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur, au même titre qu’une marque tridimensionnelle reproduisant l’aspect extérieur d’un produit ou de son emballage
Autrement dit , l’Office confronté à une demande de marque non conventionnelle a appliqué sa méthode issue de l’analyse des demandes de marques tridimensionnelles.
Mais cette approche, le Tribunal la refuse.
30 Or, il importe de relever que cette jurisprudence a été développée eu égard à la situation particulière dans laquelle une marque demandée consiste en la forme du produit lui-même ou de son emballage, alors qu’il existe une norme ou des habitudes du secteur concernant cette forme. Dans ce cas, le consommateur concerné qui est accoutumé à voir une ou des formes correspondant à la norme ou aux habitudes du secteur ne percevra pas la marque demandée comme une indication de l’origine commerciale des produits visés par la demande de marque si la forme constituant ladite marque est identique ou similaire à la ou aux formes habituelles.
31 Cette jurisprudence n’établit pas de nouveaux critères d’appréciation du caractère distinctif d’une marque, mais se limite à préciser que, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent est susceptible d’être influencée par la nature du signe dont l’enregistrement a été demandé. En effet, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même ou de son emballage, que dans le cas d’une marque verbale, figurative, ou sonore, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect extérieur ou de la forme des produits qu’elle désigne …..
Néanmoins en écartant cette jurisprudence suivie par l’Office, le Tribunal n’annule pas la décision de la Chambre de recours puisqu’il retient « dès lors qu’il apparaît clairement à la lecture de l’ensemble des motifs de la décision que la chambre de recours ne s’est pas fondée exclusivement sur la jurisprudence développée à l’égard des marques tridimensionnelles » (pt34)
Si le Tribunal invoque comme l’Office l’article 7, 1°), b du règlement 2017/1001 sur la marque de l’Union pour rejeter cette demande de marque, il en retient une autre modalité d’application: l’élément purement technique et fonctionnel inapte à exercer la fonction d’une marque.
40 En effet, d’une part, le son émis lors de l’ouverture d’une canette sera considéré, eu égard au type de produits en cause, comme un élément purement technique et fonctionnel, l’ouverture d’une canette ou d’une bouteille étant intrinsèque à une solution technique déterminée dans le cadre de la manipulation de boissons aux fins de les consommer, indépendamment du fait que de tels produits contiennent du gaz carbonique ou non.
41 Or, dès lors qu’un élément est perçu par le public pertinent comme remplissant avant tout un rôle technique et fonctionnel, il ne sera pas perçu comme une indication de l’origine commerciale des produits concernés….
Ce critère était déjà présent à une précédente décision du Tribunal du 13 septembre 2016 T-408/15
66 ……. la marque demandée ne sera perçue par le public pertinent que comme une simple fonctionnalité des produits et des services visés et non pas comme une indication de leur origine commerciale.
Et cette analyse au signe sonore en question.
42 D’autre part, le son du pétillement des bulles sera immédiatement perçu par le public pertinent comme renvoyant à des boissons.
43 En outre, les éléments sonores et le silence d’environ une seconde composant la marque demandée, pris dans leur ensemble, ne possèdent aucune caractéristique intrinsèque permettant de considérer que, au-delà de leur perception en tant qu’indication de fonctionnalité et comme renvoyant aux produits en cause pour le public pertinent, ceux-ci pourraient également être perçus par ce public comme étant une indication de l’origine commerciale.
44 Certes, la marque demandée comporte deux caractéristiques, à savoir le fait que le silence dure environ une seconde et que le son du pétillement de bulles en dure environ neuf.
45 Toutefois, de telles nuances, par rapport aux sons classiques que font les boissons à l’ouverture, ne sauraient dans le cas d’espèce être suffisantes pour écarter l’objection fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dans la mesure où elles ne seront perçues par le public pertinent, tel que visé aux points 19 et 21 ci-dessus, que comme une variante des sons habituellement émis par des boissons au moment de l’ouverture de leur contenant, et ne confèrent donc pas à la marque sonore demandée une faculté d’identification telle qu’elle sera identifiable en tant que marque.
46 Ainsi, comme le soulève à juste titre l’EUIPO, le silence après le son d’ouverture d’une canette et la longueur du son du pétillement, d’environ neuf secondes, ne sont pas assez prégnants pour se distinguer des sons comparables dans le domaine des boissons. Le simple fait qu’un pétillement de courte durée suivant immédiatement l’ouverture d’une canette soit plus usuel dans le domaine des boissons qu’un silence d’environ une seconde suivi d’un long pétillement ne suffit pas pour que le public pertinent attribue à ces sons une quelconque signification lui permettant d’identifier l’origine commerciale des produits en cause.
47 Contrairement à ce que soutient la requérante, la combinaison des éléments sonores et de l’élément silencieux n’est donc pas inhabituelle dans sa structure, les sons d’ouverture d’une canette, d’un silence et d’un pétillement correspondant aux éléments prévisibles et usuels sur le marché des boissons.
48 Cette combinaison ne permet dès lors pas au public pertinent d’identifier lesdits produits comme provenant de ceux d’une entreprise déterminée et de les distinguer de ceux d’une autre entreprise.
49 Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour tous les produits compris dans les classes 29, 30, 32 et 33.
On notera que ce changement de critère permet d’écarter la critique faite par le déposant qui faisait une distinction entre les boissons contenant du gaz carbonique et celles qui en sont dépourvues.
53 …….en l’espèce, cette erreur de la chambre de recours n’a pas eu d’influence déterminante, au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, celle-ci ayant à bon droit conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée pour tous les produits compris dans les classes 29, 30, 32 et 33, qu’ils contiennent du gaz carbonique ou non.
Chronologie et le fichier audio de la demande de marque sonore :
6 juin 2018 : dépôt de la demande de marque sonore sous la forme d’un fichier audio.
Le fichier audio :
Produits revendiquées à la demande de marque
– classe 6 : « Conteneurs pour transport et entrepôt en métal, notamment conteneurs métalliques, capsules métalliques [récipients], réservoirs en métal, récipients métalliques pour produits chimiques, liquides et gaz sous pression » ;
– classe 29 : « Produits laitiers, en particulier yaourts [boissons], lait de coco [boissons], boissons au yaourt, boissons à base de lait ou contenant du lait, boissons à base de yaourt, boissons lactées épaissies [yaourt], boissons à base de produits laitiers, boissons à base de produits laitiers, boissons produites avec du yaourt, boissons à base de yaourt, boissons à base de lait de coco, boissons à base de lait d’arachides, boissons à base de lait d’amandes ; boissons à base de soja utilisées en tant que succédanés du lait » ;
– classe 30 : « Café, notamment boissons préparées à base de succédanés du café, boissons à base de café, boissons produites avec du café, boissons composées principalement de café ; thé, en particulier boissons à base de thé, boissons à base de thé aromatisées aux fruits, boissons non médicinales à base de thé ; cacao, en particulier boissons à base de cacao, boissons préparées à partir de cacao, boissons principalement à base de cacao, boissons prêtes à la consommation à base de cacao, boissons préparées au cacao et à base de cacao ; boissons gazeuses [à base de café, cacao ou chocolat], boissons avec chocolat, boissons à base de chocolat, boissons aromatisées au chocolat, boissons avec goût au chocolat, boissons à base de chocolat, boissons chocolatées à base de lait » ;
– classe 32 : « Bière, en particulier boissons à base de bière ; eaux minérales [boissons], en particulier eaux [boissons], eaux minérales enrichies [boissons], eau gazeuse enrichie en vitamines [boissons], boissons à base d’eau contenant des extraits de thé ; eaux gazeuses, notamment eaux minérales [boissons], tonics [boissons non médicinales] ; boissons sans alcool, notamment boissons isotoniques, boissons sans alcool, boissons sans alcool, boissons gazeuses sans alcool, cola [boissons sans alcool], boissons gazeuses congelées sans alcool, colas [boissons sans alcool], boissons non alcoolisées contenant des jus de légumes, boissons gazeuses aromatisées, boissons sans alcool à l’aloe vera ; boissons sans alcool, boissons sans alcool aromatisées à la bière, boissons sans alcool aromatisées au thé, boissons sans alcool avec goût de thé ; boissons au cola sans alcool, boissons sans alcool avec goût de café, boissons sans alcool aromatisées au café, boissons sans alcool non gazéifiées, boissons gazeuses aromatisées non alcoolisées, boissons enrichies d’un point de vue nutritionnel, boissons sans alcool enrichies en vitamines, boissons sans alcool à base de fruits aromatisées au thé, boissons non alcoolisées sans malt à usage non médical ; boissons aux fruits, notamment sorbets [boissons], boissons aromatisées aux fruits, boissons aux fruits, boissons à base de prunes fumées, boissons non alcooliques à base de fruits congelées, boissons à base de fruits ; jus de fruits, notamment jus végétaux [boissons], jus de tomates [boissons], jus végétaux [boissons], boissons sans alcool contenant des jus de fruits, boissons composées essentiellement de jus de fruits, sirops [boissons sans alcool], boissons composées d’un mélange de jus de fruits et de légumes ; boissons à base de fruits à coque et de soja ; boissons isotoniques à usage non médical ; boissons contenant des vitamines (non à usage médical) ; boissons à base de riz brun, autres que succédanés de lait » ;
– classe 33 : « Boissons alcooliques [sauf bières], notamment boissons distillées, spiritueux, boissons à base de vin et de jus de fruits, boissons contenant du vin [spritzers], cocktails de fruits alcoolisés, boissons à base de rhum, boissons à faible teneur en alcool, boissons alcoolisées de fruits, boissons alcoolisées à base de café, boissons alcoolisées à base de thé, boissons gazeuses alcoolisées autres que bières ».