A côté des marques tridimensionnelle, c’est-à-dire celles dont le signe est constitué par la forme du produit, ou comme une sous-catégorie de celles-ci, les signes constitués par un motif applicable à la surface du produit nécessitent une approche spécifique comme le montre l’arrêt du Tribunal du 9 novembre 2016.
- Le signe en cause
- Les produits pour lesquels la demande a été déposée.
– classe 10 : « Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires ; membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture ; matériel de suture à usage chirurgical ; articles chaussants orthopédiques, y compris articles chaussants orthopédiques pour la rééducation, la physiothérapie du pied, à usage thérapeutique et conçus pour d’autres applications médicales, ainsi que leurs parties, y compris chaussures orthopédiques, y compris chaussures orthopédiques dotées de lits de pied ou de dispositifs orthopédiques pour le maintien du pied ainsi que de garnitures intérieures orthopédiques plantaires et pour chaussures, y compris dispositifs orthopédiques pour le maintien du pied et garnitures intérieures orthopédiques pour chaussures ainsi que leurs parties, y compris garnitures intérieures thermoplastiques rigides ; éléments de chaussures et garnitures de chaussures pour l’adaptation de chaussures orthopédiques, en particulier garnitures, semelles compensées, coussinets, semelles intérieures, rembourrages en mousse, coussinets en mousse et semelles de chaussures moulées, y compris en tant que garnitures intérieures entièrement en matières plastiques et lits de pied orthopédiques en liège naturel, liège thermique, matières plastiques, latex ou matières plastiques alvéolaires, y compris en tant qu’éléments élastiques en liège et latex ou en plastique et liège ; garnitures intérieures orthopédiques plantaires et pour chaussures ; dispositifs orthopédiques pour le maintien du pied et de la chaussure ; articles chaussants orthopédiques, en particulier chaussons et sandales orthopédiques ; semelles intérieures orthopédiques, garnitures intérieures, y compris garnitures intérieures en matières plastiques, latex ou matières plastiques alvéolaires, y compris en tant qu’éléments élastiques en liège et latex ou en plastique et liège » ;
– classe 18 : « Cuir et imitations de cuir, ainsi que produits en ces matières compris dans cette classe ; cuirs d’animaux, pelleteries ; malles et sacs de voyage ; parapluies, parasols et bâtons de marche ; fouets, harnais et articles de sellerie ; porte-monnaie ; sacs ; sacs à main ; étuis à documents ; sacs banane ; sacs-housses de voyage pour vêtements ; étuis porte-clés (articles de maroquinerie) ; mallettes pour produits de beauté ; trousses de toilette, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases” ; sacs de voyage ; sacs à dos » ;
– classe 25 : « Vêtements, articles de chapellerie, chaussures, y compris chaussures confort et chaussures pour le travail, les activités de détente, la santé du pied et le sport, y compris sandales, sandales pour tonifier les muscles inférieurs, tongs, chaussons, sabots, également dotés de lits de pied, en particulier lits de pied profonds, anatomiques et moulés, dispositifs de maintien du pied ainsi que garnitures intérieures plantaires et pour chaussures, garnitures intérieures de protection ; parties et garnitures des articles chaussants précités, à savoir empeignes, talonnettes, semelles extérieures, semelles intérieures, parties de dessous de chaussures, y compris lits de pied, dispositifs de maintien du pied ; garnitures intérieures plantaires et pour chaussures, en particulier lits de pied profonds, anatomiques et moulés, en particulier en liège naturel, liège thermique, matières plastiques, latex ou matières plastiques alvéolaires, y compris en tant qu’éléments élastiques en liège et latex ou en plastique et liège ; semelles intérieures ; articles chaussants, y compris chaussures et sandales, bottes, ainsi que parties et garnitures de tous les produits précités, comprises dans cette classe ; ceintures ; châles ; fichus »
- La procédure
L’examinateur de l’Office puis le Chambre de recours ont rejeté cette demande de marque communautaire.
Le déposant saisit le Tribunal qui par son arrêt du 9 novembre 2016 annule la décision de la Chambre de recours en ce qui concerne les produits suivants : « membres, yeux et dents artificiels », « matériel de suture ; matériel de suture à usage chirurgical » et « cuirs d’animaux, pelleteries ».
- La démarche du Tribunal pour apprécier la validité des marques constituées par le signe applicable sur la surface du produit
Est reproduite ci-dessous cette casuistique.
93 Ensuite, il convient d’examiner la question de savoir si c’est à juste titre que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits pour les autres produits relevant de la classe 10 visés par la marque internationale.
94 En ce qui concerne les « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires », la chambre de recours a relevé à juste titre que ceux-ci peuvent présenter un motif de surface en relief appliqué sur une manche, donc sur une partie de leur surface, pour des raisons techniques, à savoir pour permettre une préhension plus sûre et plus précise. Il y a lieu de constater qu’un tel usage n’est pas peu probable.
95 Les « articles orthopédiques », relevant de la classe 10, constituent une vaste catégorie de produits. Pour certains d’entre eux, il n’est pas peu probable qu’ils présentent un motif de surface en relief à des fins techniques, à savoir pour améliorer la préhension.
96 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits aux « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires » et aux « articles orthopédiques », relevant de la classe 10.
97 En revanche, en ce qui concerne les « membres, yeux et dents artificiels », relevant de la classe 10, il y a lieu de constater qu’il est peu probable qu’ils présentent un motif de surface. En effet, ces produits sont généralement conçus pour avoir un aspect le plus naturel possible et le fait d’y appliquer un motif de surface serait contre-productif.
98 Dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est fondée sur la circonstance que ces produits seraient avantageusement vendus dans un emballage présentant un motif de surface en relief pour permettre une préhension plus sûre et plus précise.
99 Se pose la question de savoir si l’usage éventuel d’un motif de surface sur l’emballage des « membres, yeux et dents artificiels » est suffisant pour appliquer la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits. Il convient de relever, tout d’abord, qu’il s’agit de produits fabriqués sur mesure et qui doivent donc être commandés. Ils sont généralement commandés par des professionnels de santé. La chambre de recours a, d’ailleurs, relevé, au point 19 de la décision attaquée, que ces produits s’adressaient aux professionnels de santé.
100 Il convient, en outre, de relever qu’il est, certes, probable que ces produits soient livrés dans un emballage afin d’éviter qu’ils soient endommagés lors du transport et afin de les protéger jusqu’à leur mise en place. Il convient, toutefois, de constater qu’il s’agit de produits qui sont mis en place dès que possible après avoir été livrés. Étant donné qu’ils sont fabriqués sur mesure, ils ne sont pas destinés à être stockés.
101 S’agissant de l’affirmation de la chambre de recours, figurant au point 34 de la décision attaquée, selon laquelle les « membres, yeux et dents artificiels » seraient avantageusement « vendus » dans un emballage comportant un motif de surface en relief, il convient de relever que ces produits, nécessairement fabriqués sur mesure, sont plutôt « livrés » dans un emballage que « vendus » dans un emballage.
102 Il y a lieu de considérer que l’usage potentiel d’un motif de surface sur l’emballage de ces produits n’est pas suffisant afin de considérer que ce motif de surface se confond avec l’apparence de ces produits, car l’emballage doit être considéré comme un simple emballage de transport.
103 Lors de l’audience, l’EUIPO a fait valoir que l’utilisateur doit ranger ces produits lorsqu’ils ne sont pas utilisés et qu’il pourrait le faire dans leur emballage d’origine. Ce faisant, il a, en substance, affirmé qu’il ne s’agit pas d’un simple emballage de transport, mais d’un emballage que le professionnel de santé ayant mis en place les membres, yeux et dents artificiels donne à l’utilisateur et qui est gardé par ce dernier.
104 Toutefois, en ce qui concerne les yeux artificiels, il y a lieu de relever qu’ils sont utilisés en permanence après avoir été mis en place.
105 S’agissant des dents artificielles, il convient de relever que, lorsque celles-ci ne sont pas fixes, mais qu’elles peuvent être enlevées, elles sont normalement conservées dans un verre d’eau ou dans un contenant spécial destiné à être rempli d’eau. Il ne serait pas pratique de les conserver dans leur emballage d’origine, car un tel emballage ne peut normalement pas être rempli d’eau.
106 En ce qui concerne les membres artificiels, l’EUIPO n’a soulevé aucun argument permettant de considérer que l’utilisateur reçoit l’emballage d’origine de la part du professionnel de santé les ayant mis en place et les conserve dans leur emballage d’origine lorsqu’ils ne sont pas utilisés.
107 L’argument soulevé par l’EUIPO à cet égard lors de l’audience ne saurait donc être retenu.
108 Pour les « membres, yeux et dents artificiels », c’est donc à tort que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits. En effet, pour ces produits, l’apparence de l’emballage ne saurait être considérée comme se confondant avec l’apparence des produits, de sorte que la possibilité qu’un motif de surface soit utilisé sur l’emballage ne saurait être considérée comme suffisante afin d’appliquer cette jurisprudence.
109 Ensuite, en ce qui concerne les produits « matériel de suture ; matériel de suture à usage chirurgical », il convient de relever qu’il est peu probable que ces produits présentent en eux-mêmes un motif de surface, et que la chambre de recours n’a pas fondé son raisonnement sur un possible usage d’un motif de surface sur ces produits eux-mêmes.
110 La chambre de recours a considéré, au point 34 de la décision attaquée, que ces produits étaient des produits médicaux qui devaient être manipulés avec un soin particulier et qu’ils seraient donc avantageusement vendus dans un emballage possédant un motif de surface afin de permettre une préhension plus sûre et plus précise.
111 Cependant, ces considérations ne sauraient être retenues. En effet, le matériel de suture n’est pas fragile, de sorte qu’il ne paraît pas avantageux de le vendre dans un emballage possédant un motif de surface en relief afin de permettre une préhension plus sûre. Au vu de la nature de ces produits médicaux, il semble d’ailleurs peu probable que leur emballage présente un motif de surface à des fins décoratives, et la chambre de recours n’a d’ailleurs pas fondé son raisonnement sur un éventuel usage d’un motif de surface à des fins décoratives sur l’emballage du matériel de suture.
112 Il est donc peu probable que les produits « matériel de suture ; matériel de suture à usage chirurgical » présentent un motif de surface soit sur les produits eux-mêmes, soit sur leur emballage. Pour cette raison, c’est à tort que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits aux produits « matériel de suture ; matériel de suture à usage chirurgical ».
113 Ensuite, en ce qui concerne les « vêtements, articles de chapellerie » et les « ceintures », les « châles » et les « fichus », compris dans la classe 25, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’articles relevant du secteur de la mode. Ceux-ci présentent souvent des motifs de surface à des fins décoratives. L’affirmation de la requérante selon laquelle les ceintures ne sont, en règle générale, revêtus d’aucun motif, sauf sur la boucle, ne saurait être retenue. C’est un fait notoire que les ceintures présentent souvent des motifs de surface à des fins décoratives. En tout état de cause, il n’est pas peu probable qu’elles présentent un motif de surface.
114 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits aux produits suivants, relevant de la classe 25 : « vêtements, articles de chapellerie », « ceintures », « châles » et « fichus ».
115 Ensuite, s’agissant des produits visés par la marque internationale compris dans la classe 18, il convient de relever ce qui suit.
116 Concernant les produits « malles et sacs de voyage » et « porte-monnaie ; sacs ; sacs à main ; étuis à documents ; sacs banane ; sacs-housses de voyage pour vêtements ; étuis porte-clés (articles de maroquinerie) ; mallettes pour produits de beauté ; trousses de toilette, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases” ; sacs de voyage ; sacs à dos », il convient de relever qu’il s’agit d’articles qui peuvent remplir, au-delà de leur fonction première, une fonction esthétique commune en contribuant à l’image extérieure du consommateur concerné [voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2014, Vans/OHMI (Représentation d’une ligne ondulée), T‑53/13, EU:T:2014:932, point 54 (non publié)].
117 Comme le Tribunal l’a déjà jugé, les différents produits de bagagerie et de maroquinerie, relevant de la classe 18, peuvent être considérés comme relevant du secteur de la mode au sens large du terme [voir arrêt du 6 novembre 2014, Représentation d’une ligne ondulée, T‑53/13, EU:T:2014:932, point 55 (non publié) et jurisprudence citée].
118 Les produits « parapluies, parasols et bâtons de marche » peuvent être également considérés comme relevant du secteur de la mode au sens large du terme, dans la mesure où ils peuvent être utilisés par le consommateur pour donner une certaine image extérieure [voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2014, Représentation d’une ligne ondulée, T‑53/13, EU:T:2014:932, point 61 (non publié) et jurisprudence citée].
119 La marque internationale vise également les « cuir et imitations de cuir, ainsi que produits en ces matières compris dans cette classe », relevant de la classe 18. En ce qui concerne ces derniers produits, à savoir les produits en cuir et imitations de cuir compris dans la classe 18, il y a lieu de constater qu’ils sont également généralement des articles de mode.
120 En outre, il convient de relever que tant les articles de mode au sens large du terme que les « fouets, harnais et articles de sellerie » sont susceptibles d’être ornés de différentes formes de décorations [voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2014, Représentation d’une ligne ondulée, T‑53/13, EU:T:2014:932, point 62 (non publié)].
121 Il n’est donc pas peu probable que ces produits présentent des motifs de surface à des fins décoratives.
122 En outre, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que les produits mentionnés aux points 116 et 118 à 120 ci-dessus étaient habituellement conçus pour être portés par le consommateur grâce à une poignée ou à d’autres parties. Ainsi, il n’est pas peu probable que ces produits présentent un motif en surface en relief sur ces parties respectives pour améliorer leur préhension.
123 En ce qui concerne les produits « cuir et imitations de cuir », il y a également lieu de constater qu’ils peuvent présenter des motifs de surface à des fins décoratives. Ainsi que l’EUIPO l’a relevé, lors de l’audience, sans être contredite sur ce point par la requérante, les produits « cuir et imitations de cuir » incluent des produits ouvrés. Il n’est donc pas peu probable que ces produits présentent des motifs de surface à des fins décoratives.
124 En revanche, les termes « cuirs d’animaux, pelleteries » (dans la version anglaise, « animal skins, hides », et, dans la version allemande, « Häute und Felle ») désignent des produits dans un état brut qui ne présentent pas un motif de surface, ainsi que la requérante l’a à juste titre relevé. En ce qui concerne les « pelleteries », il convient, en outre, de relever qu’il s’agit de peaux d’animaux recouvertes de poils. Il est difficilement concevable qu’un motif de surface puisse être appliqué sur une peau d’animal recouverte de poils.
125 Il convient, en outre, de relever que, dans le cas où les « cuirs d’animaux, pelleteries » sont livrés dans un emballage, il s’agit normalement d’un simple emballage de transport. La possible utilisation d’un motif de surface sur un tel emballage n’implique pas que le signe en cause se confond avec l’apparence des produits « cuirs d’animaux, pelleteries ».
126 En ce qui concerne les « cuirs d’animaux, pelleteries », c’est donc à tort que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits.
127 En revanche, s’agissant des autres produits relevant de la classe 18, c’est à juste titre que la chambre de recours a appliqué cette jurisprudence.
128 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne les produits suivants : « membres, yeux et dents artificiels », « matériel de suture ; matériel de suture à usage chirurgical » et « cuirs d’animaux, pelleteries ». En effet, pour ces produits, c’est à tort que la chambre de recours a appliqué la jurisprudence relative aux signes se confondant avec l’apparence des produits, de sorte qu’elle s’est fondée sur de mauvais critères d’examen.