Un slogan peut-il constituer une marque ? Certaines décisions de justice semblent écarter la protection des slogans à titre de marque, mais l’arrêt du 15 septembre 2017 du Tribunal de l’Union rejette une demande en nullité contre une marque LOVE TO LOUNGE. l’Arrêt est là.
La procédure
20 août 2009 : dépôt de la demande de marque : LOVE TO LOUNGE pour « Vêtements, chaussures, chapellerie ».
27 janvier 2010 : enregistrement de la marque communautaire
19 septembre 2013 : action en nullité de cette marque.
2 janvier 2015 : la division d’annulation rejette la demande en nullité .
9 mars 2016 : la chambre de recours de l’EUIPO rejette également cette demande en nullité
Le Tribunal rappelle la règle de droit
44 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». Selon le paragraphe 2 du même article, « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union ».
45 L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque…. .
46 Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques .
47 Le caractère descriptif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent .
love to Lounge n’est pas une caractéristique des vêtements ou des chaussures
54 En l’espèce, la marque contestée se comprend simplement, comme le soutient la chambre de recours, comme un message vague et évocateur faisant allusion à un intérêt particulier pour la détente ou le plaisir de se détendre. Cependant, elle ne désigne pas une propriété facilement reconnaissable chez les produits contestés. En effet, la signification de la marque contestée ne se réfère pas à une caractéristique des « vêtements, chaussures, chapellerie ».
55 Dès lors, la marque contestée ne constitue pas une description d’une quelconque caractéristique spécifique et précise des produits concernés et elle n’a pas de signification immédiate et descriptive dans le contexte de tels produits. À cet égard, il y a lieu de souligner que l’expression « love to lounge » n’est pas synonyme des termes « loungewear » ou « loungers » signifiant, notamment, vêtements adaptés à la détente ou vêtements de loisirs confortables.
56 Au vu de ces considérations, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que, pour le public pertinent, la marque contestée ne présentait pas, et sans autre réflexion, une description des produits en cause ou d’une de leurs caractéristiques au sens de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus.
…
62 ……… L’expression « love to lounge » est présentée sur la capture d’écran de manière détachée et dans une taille largement supérieure aux autres mots. Elle est écrite en lettres majuscules. Cela laisse penser qu’il s’agit d’une marque. Cette impression est renforcée par le prix qui est aussi écrit en caractères larges. Le public pertinent pourrait être amené à penser qu’il s’agit d’une promotion de produits portant la marque LOVE TO LOUNGE. Qu’il soit écrit en petits caractères « Prélassez-vous dans un vêtement de détente confortable et mignon aux couleurs éclatantes de l’été ! » ne démontre pas forcement que l’expression « love to lounge » est descriptive étant donné qu’il peut s’agir d’une ligne de vêtements portant ladite marque. Il s’ensuit qu’il n’est pas possible de déterminer si l’expression y figurant est une expression possédant un caractère distinctif ou une expression descriptive.
Le public doit faire un effort de réflexion pour comprendre la signification de l’expression « love to lounge » en ce qui concerne des articles de chapellerie, des vêtements et des chaussures, ce n’est donc pas un signe seulement élogieux. .
88 En outre, il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit revêtu du caractère minimal distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 … .
89 Une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés … .
90 Il suffit, pour constater l’absence de caractère distinctif, de relever que le contenu sémantique du signe verbal en cause indique au consommateur une caractéristique du produit relative à sa valeur marchande, qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire, que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits. De plus, la seule absence d’information, dans le contenu sémantique du signe verbal demandé, relative à la nature des produits et des services visés, ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif à ce signe 91 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en concluant que la marque contestée revêtait un caractère distinctif.
92 À titre liminaire, il y a lieu de constater, ainsi qu’il est indiqué au point 49 ci-dessus, que, dans le cadre du présent moyen, le public pertinent est constitué du consommateur moyen anglophone de l’Union et que son niveau d’attention est moyen.
93 Il convient ensuite de rappeler, à l’instar de la chambre de recours, que la marque contestée véhicule un message abstrait renvoyant à l’intérêt des consommateurs potentiels pour la détente. De même, c’est à juste titre que la chambre de recours note que la marque contestée demande un certain effort cognitif de la part du public pertinent. En effet, il s’agit d’une combinaison de mots anglais dont la syntaxe est correcte qui peut être utilisée dans un grand nombre de contextes. Ainsi, lorsque la marque contestée est utilisée en ce qui concerne les produits en cause, à savoir des vêtements, des chaussures et des articles de chapellerie, le public pertinent serait amené à devoir placer la marque contestée dans un certain contexte, ce qui requiert un effort intellectuel.
94 En outre, même si ladite marque n’est pas hautement imaginative, elle revêt une certaine originalité susceptible d’être retenue par le consommateur. À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours remarque que la marque contestée n’est pas dépourvue d’une certaine élégance, compte tenu de l’utilisation judicieuse de seulement deux noms et d’une préposition, et de la répétition de la lettre « l », ces éléments combinés conférant une certaine euphonie à la marque dans son ensemble.
95 La signification et l’originalité de la marque contestée seront perçues comme une incitation à acheter, mais ne constituent pas une simple information comme le soutient la requérante. Au contraire, la marque contestée permettra au consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits en cause. Partant, ladite marque revêt un caractère distinctif intrinsèque.
96 La requérante invoque également l’affaire traitée par la quatrième chambre de recours de l’EUIPO, R 1523/2011 4, LET’S GET COMFORTABLE, qu’elle estime hautement pertinente en l’espèce et qui, selon elle, aurait dû être suivie par la chambre de recours. Dans ladite affaire, la marque LET’S GET COMFORTABLE avait été considérée comme une expression élogieuse, possédant un sens et dépourvue de caractère distinctif pour les « meubles et services de vente au détail de meubles ». En effet, il s’agit également d’une expression purement élogieuse des produits et des services dans la mesure où elle indique au public pertinent que ces produits et services leur permettent d’être dans une situation confortable ou de se mettre à l’aise.
97 Cependant, contrairement à la marque LET’S GET COMFORTABLE, la marque contestée ne serait pas purement élogieuse à l’égard des produits en cause, puisque, comme il est indiqué ci-dessus, le public pertinent doit faire un effort de réflexion pour comprendre la signification de l’expression « love to lounge » en ce qui concerne des articles de chapellerie, des vêtements et des chaussures. Il convient donc de considérer que l’affaire invoquée par la requérante n’est pas pertinente en l’espèce.